tendresses
Rien n'est jamais acquis...
Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour à tous les deux
Louis Aragon - 1946
Photo: Grant Yoshino
Un air de Valentina
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Sur le coup elle n'a pas pensé à cela. Du tout. Elle avait juste une grosse envie de changement, une page à tourner. Des années de cheveux longs, de queue de cheval, de mèches folles, d'allure sauvage. Le sentiment de se raccrocher coute que coute, à son adolescence heureuse, d'être en phase avec la nature, enfin d'être naturelle. Et puis un jour cela s'est imposé, comme une évidence. Elle était devenue différente. Le crissement des ciseaux dans sa toison ne l'a pas fait frémir, au contraire, elle avait le sourire aux lèvres. Soudain cette frange au dessus de ses yeux turquoises en réhaussait la profondeur et cette coupe droite qui barrait sa joue dessinait son visage et soulignait sa bouche, ses lèvres... Juste l'impression d'avoir soudain le cou nu l'a surprise. Elle n'a pas gardé ses cheveux coupés dans un papier de soie, comme sa mère l'avait fait. Elle a fait un don.
Et puis, les jours suivants, en approvoisant sa nouvelle image, elle a pensé à Valentina, l'héroïne de Guido Crepax. Ca l'a amusée, elle est tellement loin de ce personnage. Pourtant, avec un peu d'imagination...
Les lèvres pulpeuses, le regard océanique, la frange un peu plus longue, la coupe un peu plus courte, la nuque un peu tondue... Elle a essayé pour s'amuser. En quelques minutes elle devenait la petite soeur de Louise Brooks. Mais c'était bien elle, la lèvre gourmande et le regard d'azur. Ni Louise, ni Valentina. Juste elle même
Photo: Steve McCurry
Un coeur s'est brisé
L'onde venait de quelques mots prononcés, ou bien lus, et elle frappa l'édifice de plein fouet. Un instant on crut qu'il résisterait, puis une lézarde est apparue, qui sans attendre s'est élargie dans de dramatiques proportions. Comme un éclair, elle a déchiré ce que l'on croyait solide...
Dans un fracas silencieux tout s'est effondré. Un amour qu'ils s'étaient juré, pour la vie, depuis toujours, depuis 3 ans. Mais 3 ans quand on en a vécu 17, c'est une éternité. Elle avait des projets pour eux, elle avait parié sur lui, peut être de manière déraisonnable...
N'empêche... Il n'était pas le premier garçon a compter dans sa vie, mais elle croyait que c'était lui, pour toujours. Son coeur est tombé sur le sol dur et en milliers d'éclats s'est brisé. Elle croit perdre pied, vacille et puis s'effondre à son tour dans un torrent de larmes. Le petit coeur vaillant s'arrête de battre, un instant. A quoi bon? Tout ça pour rien? Pourquoi continuer si c'est ainsi? Sans lui je ne vis pas...Plutôt mourir...
Son corps s'est vidé de larmes et tous autour d'elle ont voulus les sécher. Que faire? Tout le monde a déjà foulé ce sentier, traversé cette plaine aride où plus rien n'a de goût et où l'on voudrait que la Mort nous délivre... Il ne faut rien faire, attendre que la raison revienne, que le ciel de pluie s'éclaircisse, pour qu'un soleil brille à nouveau...
Pleure mon petit coeur, pleure encore. L'Amour ça fait toujours mal et ta douleur est légitime. Ce soir la leçon est dure, mais demain ta liberté pourra t'emporter au loin...
You know what i mean...
Pour Louise
Photo: Gabriel Schkolnick
Jusqu'au bout du monde
... Et un jour une femme
dont le regard vous frôle
Vous porte sur ses épaules
Comme elle porte le monde
Et jusqu'à bout de force
Recouvre de son écorce
Vos plaies les plus profondes
Puis un jour une femme
Met sa main dans la votre
Pour vous parler d'un autre
Parce qu'elle porte le monde
Et jusqu'au bout d'elle même
Vous prouve qu'elle vous aime
Par l'amour qu'elle inonde
Jour après jour vous redonne confiance
De toute sa patience
Vous remet debout
Trouver en soi un avenir peut-être
Et surtout l'envie d'être
ce qu'elle attend de vous...
Photo: Maxim Chelak
Texte: Florent Pagny
Sables mouvants
Démons et merveilles,
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Démons et merveilles
Vents et marées
Et toi
Comme une algue doucement caressée par le vent
Dans les sables du lit tu remues en rêvant
Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée
Mais dans tes yeux entrouverts
Deux petites vagues sont restées
Démons et merveilles
Vents et marée
Deux petites vagues pour me noyer
Sables mouvants- Paroles- J. Prévert
Photo: Ilaria Luciani
Cela n'a pas vraiment d'importance
Il peut dire, du haut de ses 8 ans, qu'il l'a toujours connue ainsi. Et c'est ainsi qu'il l'aime. Mais il l'aimerai de toute façon. C'est vrai.
Tout comme il aime aussi son amie. Il sait bien qu'elles vivent ensemble, c'est naturel puisqu'elles s'aiment. Lui aussi voudrait bien vivre avec elles. Il y a de la douceur, du rire, de l'amour en leur compagnie. Il passe beaucoup de temps avec elle, il voit les choses. Un jour il a dit: " Tu as vu comme tout le monde te regarde des fois?" Cela l'a amusée, elle a répondu:" Je ne sais pas, peut être à cause de ma coupe de cheveux..." Il a rit à son tour et répliqué: " Je ne crois pas non sinon on me regarderait aussi à cause de mes cheveux longs... Non, c'est parce que tu es belle, tout bonnement"
Elle l'a regardé avec tendresse, encore plus qu'habituellement. Elle s'est dit que la vie est bien plus simple lorsqu'elle est vue à travers un regard d'enfant...
"Si je laisse pousser mes cheveux, tu paries que les gens me regarderont moins?" Il est devenu sérieux, a passé une main sur les cheveux tondus. "Alors là je suis sûr de gagner. Tu n'auras jamais la patience de laisser pousser tes cheveux et puis tu es bien trop belle comme ça et ton amoureuse ne te laissera pas faire" A quoi bon lutter...
Ils ont rit, parce que tout cela n'avait pas vraiment d'importance...
Photo: Ilona Friederici
Premier matin
Il la regardait, endormie. Son regard courait sur son corps, ses épaules dorées, ses lèvres fruitées, les tâches de rousseur comme une poudre de canelle sur son nez mutin, son front qu'il ne savait pas si grand, le dessin de ses sourcils, si précis, si parfait, son oreille délicatement ciselée comme un camay d'ivoire, sa joue de velours, sa tempe... Et puis ses cheveux, presque ras à présent. Il mourait d'envie d'y passer à nouveau sa main, de caresser ce pelage, là, juste devant l'oreille ou encore sur la nuque, comme hier soir dans la pénombre... Quelle fantastique découverte! Celle qu'il aimait lui offrait un nouveau visage, une allure tellement différente et pourtant si familière. A cette seule pensée son coeur battait plus fort.
Elle a ouvert les yeux et son visage s'est éclairé d'un sourire. Sa gorge à lui s'est un peu serrée et une émotion inattendue a troublé son regard. Elle n'a pas eu besoin de tendre le bras pour caresser sa joue...
Modèle: Brooke Roberts
Ca n'avait l'air de rien
Pas simplement une envie, plutôt un nouveau pas dans sa vie. Pour certains autour d'elle, une lubie. Pourtant, tout sauf un coup de tête. Depuis des semaines elle y songeait. Une sorte d'idée obsessionnelle, un désir d'être enfin elle même qui revenait chaque matin. De plus en plus elle attachait ses cheveux longs, les tirait en arrière, voulait voir son visage. Alors elle l'a fait. Elle a fermé les yeux, laissé les ciseaux claquer et cliqueter autour de sa tête. Sans ouvrir les yeux, elle a sentit son cou s'élancer, la légèreté, un petit courant d'air sur son cou, des sensations agréables... D'un blaireau aux poils longs et souples on a chassé les cheveux coupés sur son visage, autour de ses oreilles. Ce fut le signal. Elle a regardé, scruté, inspecté. Un sourire est né, étirant la commissure de ses lèvres. D'un effet de manche digne d'un ténor du barreau elle a extrait ses mains de sous la cape et lentement, posant ses doigts sur le front elle a glissé à travers les cheveux courts, jusqu'au vertex. Son sourire c'est accentué. Un peu ébouriffée elle a commencé à tourner son visage, à droite, puis à gauche, relevant le menton, passant une main sur sa nuque. Sa coiffeuse, complice, l'a laissé reprendre son souffle, émerger de sa chrysalide. Un instant joyeux et solennel, comme des retrouvailles.
Photo: Framed by Eduardo
Mélancolie
Il y a un jour dans l'année où elle sent comme un poids peser sur son coeur. Ce jour là elle traîne un peu, une errance qui la conduit presque toujours vers le petit square. Ce gars là était son héros. Il n'avait rien d'un prince romantique, mais il savait la faire rire et elle se sentait tellement bien avec lui. Il avait l'habitude de sauver les gens alors il savait lui donner le sentiment d'être un joyau inestimable. Elle n'avait pas besoin de s'interroger, elle était tout pour lui, comme lui même était tout pour elle. Vraiment tout. La veille, elle se souvient, et chaque fois ce souvenir revient, elle avait fait couper ses cheveux. Elle appréhendait un peu sa réaction, mais il avait été tellement enthousiaste, comme un enfant le matin de Noël. Il avait trouvé les mots justes, l'avait encouragée. Elle avait éprouvé tellement de fierté...Elle sentait encore ses baisers à la base de son cou... Cette journée de septembre avait été merveilleuse. Comme un dernier bonus de la vie, une barbe à papa gagnée après le tour de manège. Un tourbillon de rires et d'amour...
Depuis elle a gardé cette fierté et demeure elle même comme elle sait qu'il aurait voulu qu'elle demeure. Quand le monde s'est effondré, il a emporté son coeur. Elle n'imagine pas sa vie sans lui et depuis, elle le sait, son héros veille sur elle...
Photo: Hedi Slimane
XY... Z
Je ne sais pas d'où me vient cette affection particulière pour ces femmes qui parfois ont du mal à se persuader qu'elles le sont vraiment. L'androgyne me fascine, peut être justement par ce mélange des genres. Je la vois souvent le visage fermé, dur, comme si elle devait lutter, toujours, en tout cas plus fréquement que les autres. Un brin agressive, juste comme pour se protéger, à force de se faire envoyer bouler... Cela donne de la force.
Et puis un moment donné il y a cette détermination à jouer contre ce coup du sort qui s'est un peu embrouillé dans la fin de l'alphabet. De l'audace alors souvent nait le talent, celui d'être photogénique, d'être artiste, ou tout simplement celui d'être soi même, alors que ceux là même qui n'auraient pas de raison de le faire se lamentent.
Elle sait qu'un presque rien lui suffit pour jouer dans un camp ou dans l'autre, un vêtement, une coiffure. Son coeur aussi a cette liberté.
C'est un chemin difficile au bout duquel l'acceptation offre une liberté incomparable... Et j'aime penser que les femmes libres mènent le monde.
Modèles de haut en bas: Corinna Ingenleuf, Dani Shay, Freja Beha Erichsen, et Anaïs Hamel par Pascal Pierrou