Submergée
Ça arrive comme ça, doucement, comme un air qui vous revient en tête et qu'on adore tenter de chasser, puis qu'on fredonne. Une pensée, une image à laquelle d'habitude on accorde aucune importance et qui persiste jusqu'au moment où cette vague de fond vient tout emporter. Et l'on a beau serrer les dents, écarquiller les yeux pour empêcher qu'ils se noient et déglutir pour desserrer l'étau qui vous prend la gorge, on ne parvient bientôt plus à lutter et on laisse enfin l'émotion envahir et le corps et l'esprit.
Très vite on craint d'être surpris dans cette infâme faiblesse qu'on imagine incompréhensible parce qu'on ne sait pas l'expliquer et puis l'on abandonne... Trois notes sur un piano, une voix de diva, la force d'un élan d'amour, une histoire simple et universelle suffisent à vous retourner, comme une escalope sur la plancha... Et c'est si bon.
C'est si bon cette émotion qui vous soulève le coeur, qui vous l'ouvre comme une miche de pain chaud, qui libère des odeurs, des souvenirs, des plaisirs. Un bonheur, infini, insondable, qu'on tente de faire durer parce qu'on le sait aussi fragile qu'éphémère... Et tant pis pour ceux qui ne comprennent pas, qui ne savent pas s'arrêter, juste un court instant devant ce qu'ils croient voir, entendre ou sentir, sans jamais en percevoir la saveur.
Laora s'acharne
J'envisageais sérieusement d'en parler avec Frida. En qualité d'amie, mais surtout de psychothérapeute, son avis sur la question me paraissait indispensable. Non pas que je craigne pour la santé mentale de Laora, après tout j'étais moi aussi passé par là, mais son niveau d'addiction me semblait proche de l'obsession et elle m'apparaissait plus acharnée sur la question, que je ne l'avais jamais été.
Il ne se passait plus une semaine sans qu'elle ne visite son salon de coiffure attitré, un "barbershop" tout ce qu'il y a de plus vintage, fréquenté essentiellement par une clientèle masculine à tendance hipster, mais où elle était parvenu à se faire admettre. Si bien que chaque fin de semaine elle nous revenait avec une coupe taillée au millimètre, les tempes et la nuque passées au double zéro et un dégradé fondu façon haute précision.
Bien sûr ce genre de maniaquerie ne pouvait que me séduire et la transalpine savait d'ailleurs bien en abuser. Mais là où cela devenait inquiétant, c'est qu'elle finissait par nous harceler dans l'espoir de nous voir suivre son exemple, reprochant à Frida sa coupe un peu négligée dès qu'elle datait de plus d'un mois, voulant sans cesse me couper les cheveux elle même ou proposant les services de sa tondeuse à chacune de nos connaissances qui passait voir l'un ou l'autre, enfant, garçon ou fille, compris. Une véritable frénésie obsessionnelle...
Frida m'avait répondu par un laconique :" Za fa pazzer... " et lorsque j'ai proposé à la milanaise de se lancer carrément dans un CAP de coiffeur, sa réponse m'a laissé un peu perplexe...:
" Ma si jé fais la CAP, il faut que jé fais tous les troucs dé mémères là, avé la bigoudis et tutti quanti. C'est comme si tou mé dis qu'il faut faire ses fantasmes, ma après c'est plus marrant dou tout... Don't worry baby, jé m'amouse, jé fais pas dé mal" puis elle a coupé court à toute réplique en me collant ses lèvres sur la bouche, ruiné mon brushing à la Travolta en m'ébouriffant de sa main droite et de sa main libre fait la ventouse sur ma braguette...
Le désir, l'envie et ce que l'on en fait
Quand arrivera le crépuscule, est-ce qu'on pourra dire sans se mentir, que l'existence qu'on a mené a toujours été l'expression de nos désirs et de nos envies? Inutile d'aller bien loin parfois pour ressentir le poids d'un regret, comme un petit caillou au fond de la chaussure, qui aura fait tout le parcours avec nous...
Des petites choses qui semblent futiles et anodines mais qui pourraient vous entrainer dans une existence différente, vous donner un sentiment d'authenticité... Un style, un tatouage, une moto, un piercing... une coupe de cheveux. Ces choses qui font envie lorsqu'on les voit osées par les autres. Mais les envies se transforment en fantasmes, comme si cela était irrémédiablement inaccessible. Parce qu'on est toujours très fort pour se fabriquer une excuse, le boulot, la famille, le milieu, les autres, la société... On finit par ce convaincre que ce vêtement, ce ne serait pas nous, qu'un tatouage c'est pour la vie et puis ça fait mal, que les cheveux courts ce n'est pas féminin...
Pourtant il y a ce désir qui persiste, cette envie de pousser la porte, de relever le menton et d'annoncer crânement qu'on veut les cheveux courts, très courts... et puis oser.
Est-ce bien raisonnable...
Je me le demande oui, est-ce bien raisonnable de croire que les élucubrations d'un homme, amoureux des femmes aux cheveux courts, capable d'étaler ses sentiments et d'avouer sa fragilité sans craindre pour sa virilité, définitivement hétérosexuel, un brin fétichiste et fondamentalement anti-sexiste, puissent intéresser tant de gens, tout autour de la planète, de tout genre et de tout sexe...
Mais après tout, puisqu'il n'y a rien de raisonnable dans ce blog, pourquoi fichtre me poserai-je la question? Je devrais plutôt me contenter de croire les statistiques, qui, ici ou là, montrent à quel point vous aimez cela.
Alors, comme l'année dernière ( JP Pernaut dirait sur TF1:" comme il est de tradition" même si la "tradition" ne date que de la veille... ) pour ne rien fêter, juste pour le plaisir de se retrouver "irl, boire un verre et danser sur du disco... place à "L'Apéro" ( la rime marche aussi avec techno... )
Apero 2017 from Jeaneg34 on Vimeo.
Pour l'occasion, avec la complicité de Krissmaeva, nous avons réalisé ce petit montage qui, j'en suis sûr, vous mettra l'eau à la bouche et vous donnera l'envie de nous rejoindre ( ou le regret de ne pas pouvoir le faire ... )
Et puis, comme on a trouvé ça plutôt marrant à faire, vous n'êtes pas à l'abri de voir d'autres montages de ce genre sur le blog ou sa page Facebook.
Egalité, égalité... égalité!
Je parcours les réseaux sociaux ce matin et partout j'ai des échos de Women's March, tout autour du monde, jusque dans ma grande ville du Sud et ça fait chaud au coeur.
Chacun à sa manière célèbre l'événement et sur Instagram j'ai noté le post de Blind Barber avec cette photo d'une de ses clientes.
Ça n'a l'air de rien, mais l'égalité passe aussi par là. Hé oui!
Alors bon, il va bien y avoir quelques féministes orthodoxes et sanguinaires pour me rétorquer que la vraie égalité dans ce domaine sera quand les hommes se feront des mise en plis et traineront dans la rue avec leurs bigoudis... Euuuh je ne crois pas non!. Mais l'idée que toutes celles qui en ont envie puissent se faire couper les cheveux dans un "barbershop" sans se voir rejetées sous prétexte que "ici on ne coiffe que les hommes", ça déjà, ça me semble un pas de chacun l'un vers l'autre.
Ou encore, lorsque la coiffeuse à qui vous montrez une photo avec la coupe qui vous fait envie, ne vous répondra plus que cette photo est celle d'un homme et que "c'est bien trop masculin"... Vraiment?
Allez... un petit effort.
A quoi ça tient
Subitement, je la vois, elle, comme si Katharine Hepburn surgissait du fin fond d'Hollywood, dans ce rôle de Sylvia Scarlett que George Cukor lui avait taillé sur mesure, "aggravant" son androgynie naturelle en lui coupant les cheveux.
A l'époque, 1935, on ne parlait que de travestissement, un déguisement pour tromper l'attention, pour faire croire que...
Cependant, la coupe de cheveux est un élément fondamental, voir "aggravant" ( comme pour Jeanne d'Arc lors de son procès ). En effet, en réunissant trois critères particulier qui sont la morphologie, le costume et la coupe de cheveux, on bascule dans un univers masculin. Enlevez un seul de ces critères et vous restez dans l'environnement féminin.
Ainsi, lorsque ces deux photos m'apparaissent similaires, en réalité si la pause et la coupe de cheveux sont semblables, Katharine Hepburn est "homme" ( de 1935 ) alors que Sofia Exss est femme... aux cheveux courts. A quoi ça tient parfois...
La fille dans la rue
Un sourire s'est dessiné sur son visage... Alors lui aussi, comme les autres, pas meilleur, il se trouvait à réfléchir sur la question. La question inutile, l'interrogation superflue pour laquelle il fustigeait volontiers les crétins de tous bords. Il s'accorda une circonstance atténuante puisque tout se passait dans sa tête et qu'il était le seul témoin de cette malversation, mais quand même...
Sur de son impunité, il poursuivi, finalement résolu à se vautrer dans la transgression et chercha plus précisément chaque détail qui pouvait l'aider à trouver une réponse inutile à cette question stupide... Fille ou garçon?
Il conclu rapidement que la silhouette fluide et un peu dégingandée était celle d'une fille. L'étroitesse des épaules, la finesse de la nuque, la peau imberbe du visage dont il ne voyait que le maxillaire... l'intuition. Et tout cela malgré une coupe où les cheveux les plus longs ne devaient pas mesurer plus d'un centimètre. Comme pour justifier sa forfaiture, il s'interrogea alors justement sur ce détail. Les gens se poseraient-ils la question si cette jeune femme, vue telle qu'il la voyait, avait eu les cheveux longs? Si même elle avait eu une coiffure assez longue pour dissimuler ses oreilles et sa nuque? Bien sûr que non, cela aurait été évident pour tous.
Est-ce donc alors que la coupe de cheveux est un marqueur de l'identité aussi fort? Impossible de croire cela. Non, c'est juste que là, on ne voyait le sujet que de dos ou de trois-quart et que sans les indications que l'on a en général de face, le visage, le torse, le vêtement, les bijoux ou accessoires, l'identification est plus périlleuse... Non vraiment cette réponse ne lui convenait pas.
C'était après tout peut être aussi l'un des plaisirs de ces femmes aux cheveux courts, que de susciter l'indécision, d'être inqualifiable au premier regard et attirer l'attention sur l'absurdité d'un jugement...
Il se contenta de cette conclusion, avala d'un trait le café refroidi au fond de la tasse et quitta la terrasse en sifflotant.
Sa vraie nature
Inutile de le nier davantage: j'aime le foot! Oui enfin bon, pas de quoi se vanter hein? Et puis surtout, j'aime le foot féminin, ce qui, aux yeux d'un supporter du PSG est pire et aussi incompréhensible que de ne pas aimer le foot du tout... Bref!
Même si globalement la plupart des joueuses sont des femmes aux cheveux longs, belles et athlétiques, comme Alex Morgan qui vient cette saison remonter le moral des supporters lyonnais avec son allure de fille de magazine, ou encore Hope Solo ( la fille de Han... non j'déconne ) emblématique gardienne de but de l'équipe US, je persiste à croire que toutes ces queues de cheval n'ont rien à voir avec la vraie nature de ces jeunes femmes.
Justement au sein de cette fabuleuse équipe de l'USWST, il y a Ashlyn Harris, qui n'aurait sans doute pas attiré davantage mon attention, malgré son palmarès impressionnant, si elle n'avait pas rejoint récemment les deux ou trois "femmes aux cheveux courts" de l'équipe nationale US.
Ashlyn Harris, avant c'était "ça":
Gardienne de but en second, grande, tomboy à la longue chevelure blonde, tatouée et passablement "badass".
Un parcours personnel qui fait penser à ceux des boxeurs noirs de la l'âge d'or qui parviennent à s'extraire de la misère à coups de poings.
Si son enfance misérable et sa jeunesse tumultueuse paraissent aujourd'hui improbables c'est parce que la jeune femme s'est battue pour construire sa vie et apparaitre dans la lumière sans rien devoir à personne. Et ça, c'est du caractère de "femme aux cheveux courts"
Et quand Ashlyn Harris décide décide de se couper les cheveux, elle ne fait pas les choses à moitié. Sa spectaculaire transformation reste à mes yeux l'expression de sa vraie nature, une sorte d'achèvement, consacrant la femme qu'elle est vraiment, sa vraie nature...
Lettre ouverte à... moi même ( edit )
Cher moi même,
Il faut bien dire que ce n'est pas banal cette façon que tu as d'exprimer au grand jour cette dilection si particulière qui te tient depuis toujours. C'est vrai, la plupart du temps les hommes se contentent de quelques blagues, toujours un peu graveleuses, pour signaler davantage leur hétérosexualité plutôt qu'un goût particulier en la matière. C'est donc sans doute que tu te situes assez loin de ces bougres là.
Mais pourquoi un blog? Ces choses là sont tout de même plutôt de l'ordre de l'intime. Tu pourrais tout aussi bien coucher tes mots sur un cahier... Ah oui je sais! L'envie de partager... Mouais, une jolie façon de camoufler son orgueil et sa vanité. Enfin non, c'est injuste. Il y avait bien au départ ce besoin de hurler à tous, ce qui longtemps pour toi avait parût une anomalie. Pensez donc, aimer les femmes aux cheveux courts, alors que la Terre entière depuis toujours ne reconnaît la féminité qu'à travers une beauté plantureuse à la chevelure cascadant sur les reins. Une hérésie. Il y avait bien quelque chose de jouissif à dire "à tous" eh bien que tu n'étais pas comme "eux". C'est vrai.
Mais il n'y a pas de chemin facile. Par bonheur, on arrive toujours, un moment dans notre vie, à atteindre un niveau de sagesse ou de maturité qui ne fait plus craindre les soupçons que pourraient formuler les quidams mal dégrossis qui considèrent qu'aimer les femmes aux cheveux courts équivaut à aimer les hommes. Ce qui pouvait être vrai lorsque tu avais 15 ans, aujourd'hui ne peut que te faire sourire.
Il faut bien avouer que ce travail t'a fait du bien. Moi qui te connais un peu, je le vois bien. Et je te reconnais dans "l'homme lesbien" capable d'exprimer avec tendresse et respect un véritable amour des femmes, comme complices, amies, amantes.
Bon bien sûr il y a les cheveux courts aussi. Ce genre de fétichisme devenu davantage une dilection. Une dilection parce que ce qui pouvait sembler pervers n'est finalement plus qu'un éventail de sensations et de plaisirs, mélange de tactile et de cérébral.
Parce que sans doute cette jolie femme en coupant ses cheveux courts se rapproche davantage de l'homme que tu es avec sa sensibilité féminine et que, faisant chacun un pas vers l'autre vous vous retrouvez plus facilement? Parce que cette femme aux cheveux courts est assez sûre de sa féminité et de sa force pour ne pas se ranger parmi les modèles stéréotypés...
Alors je te comprend. Il fallait bien faire comme ça. Parce que finalement, en t'adressant aux femmes aux cheveux courts, tu parles aux femmes que tu aimes, connues ou inconnues, mais aussi aux femmes qui aiment les femmes, comme toi et aux hommes aussi, qui te sont semblables et ne savent pas toujours trouver les mots, une sorte de discours universel en somme....
Mon cher moi même, je te souhaite de trouver ici encore longtemps, toute la satisfaction et le bien être possible.
Je t'embrasse,
Moi
PS: La lettre originale date de 2012
Elle est Il
Un pronom, c'est important... et en même temps ce n'est qu'une façon de parler... Non?
J'en connais pour qui cela représente bien plus qu'une simple forme grammaticale. Entre Elle et Il c'est un monde entier, une vie de différence. Chacun fait mine d'y prêter peu d'attention, imaginant que le temps, aaaah le temps, remettra les"choses" dans le bon ordre ou qui trouvent amusant cette attitude de "garçon manqué". Mais le garçon n'est peut être pas si "manqué" que cela.
On s'amusait de sa façon d'être, de se vêtir et puis le jour où "il" est revenu de chez le coiffeur, les oreilles fièrement dégagées et la nuque un peu rasée, ce jour là soudain, "elle" a disparu, s'est effacée, pour faire comprendre à celles et ceux qui pensaient à un jeu, que cela n'en était sans doute pas un.
L'image est bien plus spectaculaire que les mots, plus facile à comprendre que les sentiments. Alors cette première coupe de cheveux c'est une façon d'ouvrir la page, d'entamer l'histoire, de mesurer la persévérance avec les mois et les semaines qui s'écoulent et ce masculin qui s'affirme...
N'ayez pas d'inquiétude bonnes gens, votre trouble à vous n'est que superficiel, agaçant votre perspicacité et votre don de mettre chaque "chose" à sa place. Pour "lui" qui ne trouve son bonheur qu'au rayon hommes alors que sa voix claire trahie son sexe, "lui" qui se réjouit de s'installer dans le fauteuil du barbier qui va tondre ses cheveux pour affirmer davantage cette image tant rêvée, "lui" qui chaque matin détourne le regard du miroir pour ne plus voir ce corps de fille à peine esquissé, il faut apprivoiser cette dysphorie qui le torture... et vivre.
Peut être s'installera-t-elle dans cette androgynie qui lui offrira d'être "il" à sa guise, cultivant l'atout d'une harmonie idéale entre le masculin qu'il est et le féminin qui persiste..?
Photo: Kriss Photography
Modèle: Ninon P.