Les globe-trotteuses
Impossible, quand on est habituée aux cheveux très courts de déroger au rendez-vous mensuel, voir bi-mensuel avec le coiffeur. C'est ennuyeux pour celles qui sont attachées à leur figaro et ne veulent plus en changer, un peu comme un fil à la patte qui les empêche de trop s'éloigner de leur salon préféré. Mais par contre, si comme Christelle et Audrey ( et bien d'autres ) vous aimez l'aventure plutôt que la routine et que confier votre tête à des mains inconnues ne vous effraie pas, rien ne vous retient à la périphérie parisienne, même pas la fraîcheur de votre coupe de cheveux.
Après Bangkok, on retrouve nos deux voyageuses à New York, dernière étape d'un périple nord américain. Et là, ça ne se commande pas! Quand le matin, après le brossage de dent, la main passe dans les cheveux et en bout de course, parvient à saisir entre les doigts quelques millimètres de trop sur la nuque, ou que
tout simplement le programme a prévu cette étape, juste pour le fun, ni l'une ni l'autre ne se prive d'une visite chez le "barber" local. En l'occurrence Big Apple Barbershop, 422 E 14th st, East Village NY, où pour 25$ on vous fait un fade bien propre.
Et là, finalement, qu'on soit à Bangkok ou dans l'East Village, c'est toujours un peu la même aventure. Il faut faire confiance, apprécier le moment et se laisser aller...
Photos: Christelle Delorme
Il faut que tu comprennes
Pourquoi tu ne fais pas d'effort? Toujours coincé dans ce confort où tu n'as rien à décider, où tout t'est offert en prêt-à-penser. Sûr de toi, tu vois blanc tout ce qui n'est pas noir, rose tout ce qui n'est pas bleu, comme si les nuances n'existaient pas...
Faut avouer que ce n'est peut être pas si simple, pour un esprit simple. Tu la vois, courir et bondir, habillée comme toi, les cheveux bien plus courts que les tiens et depuis toujours tu ne parviens pas à l'imaginer femme, alors que tu sais bien qu'elle n'est pas un homme... Ça bug! Même la voir nue ne suffirait pas à te convaincre, ses deux petits seins comme des oeufs à la coque, son ventre plat, ses hanches étroites et ce buisson duquel rien n'émerge... Si encore elle avait les cheveux longs, cela pourrait faire illusion, cela pourrait aider. Avoue qu'elle ne fait rien pour aider! Elle ricane si tu lui montres une robe et s'enfuit si tu le lui reproches. Mais elle est jolie et sa voix est douce, sa peau fraîche et son regard pétillant.
Non il n'y a rien à avouer. Si elle n'a pas l'âme d'une femme elle a encore moins l'envie d'être un homme. C'est juste qu'elle est dans ces nuances de violet entre le bleu et le rose, qu'elle aime bien ce sentier où elle est seule à marcher, libre d'aimer qui elle veut, comme elle veut, d'être chat de gouttière et chatte au coin du feu. Il faut que tu comprennes qu'elle est affranchie, libre du petit jeu des trous triangulaires dans lesquels les cubes n'entrent pas.
Photo: Fany Meil
The hero we need is her(e)
Dans la famille de Bruce Wayne, je voudrais la cousine Kate.
Bon, je ne suis pas très familier des héros de Comics américains, mais tout le monde sait que Bruce Wayne est l'homme qui se cache sous le costume de... Batman. Et tout le monde connait Batman. Je vous fais grâce de la généalogie de la chauve-souris, reste que Kate Kane est sa cousine et que c'est elle qui endosse le costume dans la série de CW à venir à l'automne. Et c'est là qu'on retrouve Ruby Rose,DJ et mannequin australienne qui fait l'actrice depuis la fameuse série Orange is the new black.
Mais finalement ce qui est à saluer dans cette affaire, c'est que pour une fois, la série est bâtie sur une héroïne, aux cheveux courts, plutôt badass et homosexuelle...
Parce que c'est déjà dans le scénario. Etonnante Amérique de tous les paradoxes où d'un côté on tente à tout prix de renvoyer les femmes dans leurs foyers, faire des tartes en élevant les gosses qu'on les oblige à avoir et où de l'autre on peut faire l'apologie d'une femme, libre, qui sait se battre, aime les femmes et sauve la veuve et l'orphelin de Gotham City.
D'ailleurs c'est peut être ça qu'il faut comprendre. Que ce n'est que dans les fictions que ce genre de personnage peut exister? Enfin, je voudrais bien croire que non...
Toutes en une: Un portrait de Julie
Parfois c'est le hasard qui provoque les rencontres. Et parfois c'est juste un rendez vous qui est inscrit dans un agenda secret, mais qui est pris depuis longtemps. A force d'écrire des portraits de femmes aux cheveux courts, de décrire des caractères, des personnalités, des parcours comme autant de dénominateurs communs, il fallait qu'arrive un jour celle qui pourrait, à elle seule, être le portrait de toutes ces femmes.
Julie n'a pas encore 30 ans et depuis toujours un caractère de tomboy qui ne peut échapper à personne. Il suffit de la voir jongler avec un ballon à la manière d'un footballeur professionnel, de la voir boxer le sac ou les pattes d'ours de son entraineur. Cette femme là n'a pas froid aux yeux et son charisme séduit même les élèves de son cours d'espagnol.
Un jour, comme c'est souvent le cas, elle a décidé d'être elle même, d'avoir l'allure de sa vraie personnalité. Une rencontre amoureuse, un besoin de changement et direction le coiffeur! Pourtant elle a attendu d'avoir 20 ans et jusque là trainait ses longs cheveux bruns qui lui battaient le dos, libres et sauvages. A son image, elle passe sans transition, du très long au très court et depuis joue avec les styles mais aime toujours avoir les oreilles et la nuque dégagées.
Elle est parisienne mais aussi new-yorkaise, aussi à l'aise sur son scooter que sur un skate, saute en parachute et surf en Australie, mais sa vie elle la voit surtout à Bali, là bas, au fin fond de l'Indonésie où elle croit avoir trouvé un sens à sa vie. Une sorte de paradis où elle s'épanouie davantage qu'ailleurs. La jeune femme à la tête bien pleine ne rechigne pas à montrer son corps et Bali, c'est un peu Sea Sex & Sun...
Elle est jeune et belle, audacieuse et déterminée, nomade et indomptable. Pourtant Julie rêve de famille, d'enfant... Sans doute est-ce pour conjurer son propre passé?
Ni âge ni genre
Il y a certaines images qui sont ainsi figées dans l'esprit des gens, en général. Lorsqu'on évoque des cheveux blancs, tout le monde pense à une personne âgée par exemple. De même si on parle de coupe à la nuque et aux tempes rasées, tout le monde ( oui les mêmes ) pense à un homme... C'est bête hein?
C'est ballot parce qu'en réalité, ces deux images là en particulier ( mais il y a plein d'autres exemples ) sont de plus en plus battues en brèche par celles qui n'ont pas peur de se les approprier. Ainsi les cheveux blancs, ou gris, sont une véritable tendance et pas seulement chez les jeunes femmes. Celles qui naturellement arrivent à l'âge où les leurs palissent, les acceptent et renoncent aux diktats d'une certaine vision de la féminité. Une injustice de moins, puisque de son côté, l'homme dont la maturité transparait dans la grisaille de ses cheveux s'en trouve valorisé, inspirant un "charme" nouveau, alors qu'une femme du même âge et confrontée à la même nature se sentait presque obligée d'avoir recourt à la coloration pour, soi-disant, continuer à {se} plaire.
Quant aux cheveux courts, il y a belle lurette que les femmes de tous bords et de tous âges n'ont plus peur d'un bon coup de tondeuse qui dégage nuque et tours d'oreilles et ont abandonné l'idée que la féminité serait réduite à une longue chevelure, une paire de seins confortables et une croupe callipyge.
Alors non, ni âge ni genre ne peuvent être définis par une couleur ou une coupe de cheveux. Et c'est tant mieux!
Instantané
La jeune femme avait l’allure de celles qui n’ont pas l’habitude de flâner, un pas décidé, ni rapide ni lent, juste la bonne mesure. Elle avait une silhouette mince et sportive, un jean serré, des bottines de cuir fauve et un blouson court en daim sur un chemisier blanc.
Il l’avait tout de suite repérée dans la foule. Il avait cette faculté d’avoir le regard attiré par les petites têtes bien faites. Une sorte d’instinct, un sens dont lui seul croyait disposer. La jeune femme portait les cheveux très courts, d’une couleur châtain un peu boisée qui avaient de jolis reflets sous le soleil. Ensuite seulement venait la vision générale, l’allure, les vêtements, comme un complément d’information… Elle dégageait une impression assez puissante, d’indépendance, de caractère et de détermination.
Par chance elle prenait son temps et s’était arrêtée devant une vitrine. Ses cheveux courts l’étaient particulièrement sur la nuque et le contour des oreilles où ils étaient presque rasés, dans un subtil dégradé parfaitement fondu. Il jugea que la coupe était récente, à voir la pâleur de la peau, là où les cheveux plus longs la protégeaient auparavant du soleil.
Il en était là de sa réflexion lorsque le dialogue d’un couple à la table d’à côté attira son attention. La jeune femme aux cheveux courts était le sujet de leur discussion et visiblement ils ne partageaient pas vraiment son opinion. C’était un homme et une femme, la bonne trentaine, qui comme lui étaient installés en terrasse pour regarder le monde tourner autour d’eux. Et comme lui, ils avaient repéré la femme aux cheveux courts à son allure charismatique, mais très vite des critiques à propos de sa coupe de cheveux faisaient resurgir plein de préjugés.
« Ah la vache ! C’est court quand même » disait l’homme. « Je ne trouve pas cela très féminin ! »
-« Faut avouer que ça lui va plutôt bien » répliquait la femme. « J’aimerai bien les faire couper moi aussi, mais il faut du courage… »
-« Arrête ! Si tu fais ça je demande le divorce » lança-t-il sur le ton de la plaisanterie. « J’aurais l’impression de coucher avec un homme »
-« C’que tu peux être bête ! Regarde, elle n’a pas du tout l’allure d’un homme, elle est même assez stylée. Je trouve qu’elle a beaucoup de charme… »
-« Non rien à faire ! Pour moi une vraie femme doit avoir les cheveux longs »
-« Une VRAIE femme ? Parce que tu penses qu’une femme n’en est plus une sans ses cheveux ? »
-« Ben …
- Mais tu te moques de moi ? Et tu penses que j’aurais besoin de ton autorisation pour aller chez le coiffeur ?
- J’ai pas dit ça, je… »
La discussion de la table d’à côté tournait à la querelle conjugale. Il en avait de toute façon assez entendu. Toujours les mêmes rengaines, les mêmes préjugés, les mêmes erreurs et non-sens sur la féminité, le genre, le sexe, l’identité, la personnalité… Rien de nouveau chez les esprits faibles.
Lui au contraire se nourrissait d’esthétique, admirait l’androgyne dans son ambiguïté, se délectait de cette féminité réinventée, nouvelle, hors cadre que les vieux clichés ne pouvaient plus définir. Ayant définitivement abandonné le couple à sa dispute, il se concentrait sur cette silhouette dont il ne voyait que le dos à présent. Malgré le col relevé il distinguait parfaitement la nuque déliée que le style de la coupe semblait allonger. Il avait toujours trouvé dans ces détails de l’anatomie une source d’inspiration quasi érotique. Les cheveux ras laissaient voir les tendons et le creux qui se formait entre eux sur cette nuque étroite, les oreilles aussi, dévoilées, apparaissaient comme des bijoux d’ivoire parfaitement ciselés. Tout l’art du coiffeur avait consisté à sculpter la chevelure pour effacer toute démarcation entre la peau nue et la masse des cheveux, bien plus longs sur le dessus de la tête. On passait du clair à l’obscur sans jamais que le regard soit heurté par une cassure quelconque. C’était harmonieux, séduisant et cela racontait finalement beaucoup de choses sur la personnalité de la jeune femme. On pouvait déjà imaginer rapidement qu’elle n’était pas soumise à une volonté extérieure comme aurait pu l’être la femme du couple d’à côté et cette coupe de cheveux représentait pour lui l’étendard de l’indépendance et de la liberté…
La jeune femme repris son chemin et rapidement fut avalée par la foule. Vision éphémère, cet instant avait rassasié son esprit d’esthète et conforté son amour pour les femmes aux cheveux courts.
La petite histoire
Il y a comme ça des petites histoires qui, dans l'oreille d'une personne avertie, prennent une saveur particulière. La scène se passe chez le coiffeur. Un coiffeur de quartier, un salon pour hommes. Il y a là deux fauteuils occupés par deux clients et deux coiffeurs qui s'occupent d'eux et sur les chaises le long du mur du fond, trois autres clients qui attendent patiemment leur tour. Enfin une place se libère et le client qui quitte le fauteuil est... une cliente. Elle passe une main sur sa nuque, rasée et époussette son épaule, l'air ravie. A ce même moment, le client suivant s'est déjà approché et croise la jeune femme avant de s'installer sur le siège en lançant au coiffeur qui l'attend le peignoir à la main:
"Alors tu me fais la même coupe que la meuf hein? Nickel!"
Et là, l'histoire se termine, mais seulement pour celles et ceux qui n'entendent pas plus loin que leurs oreilles. Parce que pour les autres, cette réplique a tout de même un parfum savoureux. Ben oui quand même! C'est un homme qui réclame qu'on lui coupe les cheveux comme la jeune femme qui l'a précédé sur le fauteuil, la prenant pour exemple, tout naturellement... Mais c'est DINGUE? Enfin, dingue... c'est étonnant alors qu'en réalité ça ne devrait pas l'être. Mais que certaines jeunes femmes aient réussi à s'approprier des codes masculins au point que certains hommes prennent exemple sur elles... c'est fort quand même. Certains grincheux diront que c'est le monde à l'envers? Moi je dirais plutôt que c'est le monde qui avance.
( L'anecdote, authentique, a été vécue par Elise )