Equivoque
Personne alentour n'aurait parier un kopeck sur son genre, il en était convaincu. Pourtant, lui avait la conviction que l'androgyne était féminin. En tout cas ça lui faisait du bien de le penser...
Aussi discrètement que sa bonne éducation l'y autorisait, il cherchait en l'observant, les détails, les indices qui pouvaient étayer son opinion. Il fallait à tout prix faire abstraction du costume et des accessoires, manifestement trop masculins pour ne pas être de fausses pistes.
Il y avait, lui semblait-il, beaucoup de fluidité dans son attitude et ses gestes et cela l'encourageait à dire "elle" lorsqu'il voulait la nommer. Il suffirait d'un sourire, ou même qu'elle abandonne un instant cet air sévère, pour révéler davantage de féminité... Mais visiblement, elle n'y tenait pas plus que ça.
Par quelques regard furtifs il avait remarqué ses joues imberbes, son cou, sa gorge où les hommes ont souvent le cartilage du larynx plus visible, les plis de sa chemise qui ne laissaient deviner aucune forme... Bien sûr il luttait pour ne pas se laisser influencer par la coupe des cheveux, presque rasés au dessus de ses oreilles. Après tout, si elle préférait jouer de son ambiguité, quel meilleur moyen que d'avoir les cheveux coupés d'une telle manière?
Néanmoins pas un des critères qu'il avait énumérés, ne permettait d'affirmer qu'il s'agissait d'un garçon. Donc il décréta que son jugement était le bon et que cette merveilleuse androgyne était... androgyne... et accessoirement de sexe féminin.
Il en était là de ses considérations, lorsqu'une femme qu'il avait remarquée un peu plus tôt, belle bourgeoise aux cheveux gris permanentés et aux mains chargées de bijoux, quitta sa table et s'approchant de l'androgyne lui déclara avec un sourire presque maternel : " Que vous soyez fille ou garçon, vous êtes magnifique. Merci..."
L'androgyne sourit enfin, ne révélant rien de plus finalement que sa vraie nature...
Photo: Alanna Milaney
Qui m'appelle?
S'il y a bien un truc que j'aime, c'est quand les créateurs de jeux vidéos arrêtent de sexualiser à tous prix les personnages féminins. Et visiblement, dans le Black Ops III de Call Of Duty, les filles n'ont pas peur de se casser un ongle.
Parce qu'après tout, dans ce genre d'aventure, on cherche juste à être efficace et gagner la guerre. Rien de moins. Et c'est tout de même une riche idée que de proposer des personnages aux joueuses ( qui sont de plus en plus nombreuses sur ce genre de jeu ) sans pour autant les discriminer en les affublant d'avatars encombrés de tous les clichés et idées reçues sur le genre féminin.
Des combattantes donc!
Et là, le choix pour elles est simple : c'est cheveux courts ou cheveux très courts. Alors je dis bravo!
Parce que finalement, les nanas qui jouent à Call of Duty ( l'Appel du Devoir ), ne sont pas là pour échanger des recettes de cuisine ou discuter de la dernière fashion week. Elles sont là pour faire la guerre!
Et comme disait l'onc'Maurice : nécessité fait loi, la fin justifie les moyens et après moi le déluge... ah non, pas celui là. Enfin bref!
Ceux qui voient toujours le verre à moitié vide, diront que ce choix délibéré de ne proposer que des personnages féminins aux cheveux courts est juste là pour rappeler aux filles que ce jeu est un truc de mec ( Grrrrr.... ) Les autres, au contraire, se féliciteront de voir que pour une fois les personnages féminins ne sont pas là pour rincer l'oeil des mecs, mais juste pour être efficaces... A armes égales. CQFD
L'abandon
Dans ce geste anodin elle retrouve toute la force de sa vraie personnalité. Les cheveux fraîchement coupés, elle vient du bout des doigts, de toute sa sensibilité tactile, caresser sa nuque dégagée, retrouvant à chaque fois qu'elle le fait, le courage et la détermination, le plaisir et l'envie, la jouissance de la première fois.
Elle en frissonne, y revient plus doucement, plus délicatement et lentement sa main, encore et encore remonte sur le chaume de ses cheveux tondus, excitant la pulpe de ses doigts et cette caresse sur sa nuque tiède l'invite à fermer les yeux. Elle sourit et s'abandonne à penser qu'elle s'aime, malgré les "rageux" qui enragent de la voir définitivement et chaque fois davantage, échapper au cadre dans lequel ils ne parviennent pas à imaginer qu'on puisse s'extraire.
Chaque cheveux qui picote le bout de ses phalanges, lui rappelle cette liberté...
Tant d'émotions
Pourquoi, après l'ultime coup de ciseaux, après le dernier coup de blaireau époussetant les petits cheveux coupés qui parsèment le cou, au moment où la cape s'envole, comme dans un tour de prestidigitation, la faisant apparaitre nouvelle, l'émotion soudain est si forte que parfois les larmes inondent le regard.
Le coiffeur s'inquiète, est-ce que c'est trop court, est-ce qu'elle est déçue? Mais non, le sourire malgré les yeux mouillés, est là. Elle est heureuse, contente, satisfaite... émue "aux larmes" de cette nouvelle image d'elle-même...
C'est étonnant, tous ces sentiments qui vous bouleversent lorsqu'on coupe ses cheveux. Même fermement décidée, évidemment je ne veux pas parler de celles qui seraient, pour bien des raisons, contraintes de le faire... Je me souviens de Persis Khambatta, une actrice qui pour un rôle dans Star Trek avait décidé de raser ses cheveux...
Bien sûr, là c'est extrême. Mais je me souviens aussi d'amies, aux cheveux courts, qui par envie avaient décidé d'aller bien plus court, de dégager leurs oreilles, de tondre leur nuque... Brusquement, brièvement, les larmes étaient les mêmes...
Les sentiments sont nombreux... Le noeud qui noue l'estomac, comme un trac qui survient dès qu'on envisage la coupe, puis lorsque les choses se précises en franchissant la porte du salon... L'émotion provoquée par quelques coups de ciseaux qui vont trancher dans une partie de soi même, éloigner l'enfance, ranger l'adolescence dans le carton des souvenirs... La peur de ne pas avoir fait le bon choix, ou celle engendrée par le rugissement d'une tondeuse sur sa nuque offerte, l'angoisse de ne pas se plaire, l'anxiété que la coupe ne soit pas exactement celle qu'on désire...
Après, les larmes ne sont finalement que le contre-coup de toutes ou partie de ces émotions provoquées par ces sentiments. Cela arrive, ce n'est pas une faiblesse. Cela m'inspire juste de la tendresse...
Fascinante ambiguité
La Vie vous joue de ces tours parfois... Elle est capable de vous embarquer dans des lisières inconnues où vous devrez vous même inventer votre identité.
Le bébé était adorable, c'était une fille assurément. Mais au fil des années, comme son caractère s'affirmait, ses traits semblaient se durcir. Personne n'y portait tellement d'attention, sous ses cheveux longs, ses yeux rieurs avaient toujours la même espièglerie. Mais la mignonne n'aimait rien d'autre que de défier les garçons dans leurs jeux virils, ne quittait plus ses vêtements de garçon et boudait quand on lui refusait de couper ses cheveux comme les garçons.
L'adolescence compliquera tout, le trouble deviendra insupportable lorsqu'il faudra admettre sa différence. Elle va s'apaiser lorsqu'enfin elle aura l'audace d'être celui qu'elle veut être pour ne plus décider d'être l'un ou l'autre, unique.
Elle choisit ses vêtements pour leur confort et leur aspect pratique, coupe enfin ses cheveux à la manière qui lui plait, mais elle n'avait pas de raison de ne plus s'appeler Marie... Androgyne absolue, elle s'arrange, sans se forcer, à entretenir l'ambiguité et le doute dans les esprits...
Marija Piroshki est serbe, historienne, photographe, mais j'aurais pu aussi bien parler de Beli Klein ou de Camilla Fioravanzi, de celles que je connais ou des millions d'inconnues qui assument cette merveilleuse ambiguité qui les tient définitivement à l'écart de la foule des mortels cantonnés dans une étroite conception binaire du genre.
Photos: Marija Piroshki
Frida se confesse
A peine rentré ce vendredi soir dans notre douillet petit 300m2 de la porte Dauphine, je suis tombé sur ma thérapeute bavaroise, que j'ai trouvé d'humeur féline. Rien d'étonnant à cela, la fin de semaine étant pour nous trois un moment de pur relâchement où le plus clair de notre temps était fait de stupre et de fornication. La blonde me tendit un verre de Chablis et m'invita sur le canapé...
Ma Psy "- Danke liebe!
Moi - Merci? Mais pourquoi donc?
Ma Psy - Che grois que che ne te l'ai chamais dit, mais crasse à doi chai tout te même técouvert des blaizirs noufeaux
Moi - C'est assez flatteur... Mais tu sais, quand les partenaires sont bonnes... il n'y a pas beaucoup de mérite... Je ....
Ma Psy - Nein, c'est pas ce que che voulais tire.
Moi - .. Ah bon d'accord...
Ma Psy - Quand che t'ai rencontré, rappelle toi, ch'avais les cheveux longs et tu m'as raconté ton histoire et ta tileczion pour les cheveux kourts... Et là chai décidé de les couper, très kourts, mais ce n'édait pas fraiment par gout, mais plus par profogazion, pour voir comment tu réagissais, pour être au coeur de mon suchet...
Et che dois afouer que che me suis fait brendre à ton cheu. Petit à petit che me zuis laissé emborder par ce blaizir étranche que tu savais si pien traduire et stimuler, avec tes mots et tes caresses. Che me suis rendue compte que j'éproufais du plaizir à me faire couper les cheveux, juste à cause de la berzpective que cela me tonnait d'imachiner tes doigts caressant ma nuque...
Moi - Mais pourquoi ne me l'as tu jamais dit mon petit chamois?
Ma Psy - Z'est à tire que che suis quand même ici la seule berzonne fraiment saine d'esprit tu comprends" dit-elle en éclatant de son rire un peu guttural.
Le fait est que Frida était jusqu'à lors notre caution scientifique à Laora et moi, la seule capable de soigner les traumatismes juvéniles qui avaient peuplé nos esprits de fantasmes capillaires. Et voilà que même notre thérapeute était à son tour contaminée...
Photo: Kevin Wong and Eric Yun
What the fuck?!
Non mais j'vous d'mande un peu! Est-ce que les gens plaisantent aujourd'hui, lorsqu'ils demandent encore à une femme "pourquoi est-ce qu'elle a les cheveux courts" ou pire encore, lorsqu'ils font mine de s'interroger pour savoir s'ils s'adressent à un homme ou à une femme simplement parce que la personne en face d'eux a le tour d'oreille dégagé et la nuque rasée? Aujourd'hui? A l'aube du 3ème millénaire du monde civilisé, au XXIème siècle... Non, c'est une plaisanterie!
Ben non!
Et c'est ça le drame. A force de côtoyer des gens intelligents, des femmes aux cheveux courts bien dans leur peau, des esprits ouverts et tolérants, on finit par ne plus se rendre compte du véritable état des lieux et il faut de temps en temps un commentaire pour rappeler les regards de haine ou de mépris, les petits mots assassins, les réflexions nauséabondes qui amalgament tout, jugent, tranchent, dénigrent et condamnent celles qui ont juste le sentiment de s'accomplir elles même.
Et voilà qu'on nous rappelle de temps en temps, combien il faut de l'audace, du caractère et de la détermination pour affronter les plus sots qui malheureusement sont le plus grand nombre. Justement, les plus intelligents diront que ce ne sont que des sots et que tout cela n'est pas si grave... Et pourtant. A force...
A force de petites réflexions, à force de détails, à force de petits cailloux toujours fichus dans les souliers des autres, on finit par faire peser sur elles le poids d'un machisme obscure et besogneux, qui voudrait persister à imposer, comme il le fait depuis la nuit des temps, des règles qui le satisfont, lui.
Mais comme disait Bob il y a ... 50 ans: The times they are a changin'
Photo: Dolls Kill catalogue
Liberté, liberté chérie
Il y a quelque chose de fascinant à constater la manière dont le Temps parvient à bouleverser la perception que nous avons de certains états...
Le mois dernier, j'avais senti comme un frémissement dans la presse numérique à propos des femmes au crâne rasé. Il y avait eu l'article de Naomi Clément pour L'Express et puis quelques temps plus tard un autre article pour 20 Minutes dont je me suis fait l'écho sur la page Facebook du blog.
Bon, passons sur la terminologie racoleuse du "crâne rasé", la plupart des femmes citées en exemples n'étant pas allées au delà d'une coupe à la tondeuse munie d'un sabot ménageant au moins un centimètre de cheveux sur leur tête. Mais c'est vrai, la chose se banalise et c'est tant mieux.
Ce qui m'amuse c'est de penser que dans le fin fond de notre Histoire, du temps où bagnards et esclaves naviguaient sur les mêmes rafiots, enfin pas en même temps, ni même vraiment à la même époque, mais bref!.. en ce temps là donc, avoir la tête tondue était un signe d'asservissement, le symbole d'un état de privation de la liberté.
Alors qu'aujourd'hui, et toutes celles qui ont osé, de leur plein gré, en témoignent, tondre ses cheveux est un acte hautement libérateur, une sorte d'exercice de bienfait personnel, grand révélateur de personnalité, auquel chacun(e) devrait se soumettre au moins une fois dans sa vie.
Si bien que ce processus d'humiliation des temps anciens ( qui le demeure malheureusement lorsque cela n'est pas consenti ) serait aujourd'hui l'expression incomparable d'une totale liberté.
Etonnant non?
Photos: Vogue
Andro-juvénile peut être?
Même si je ne suis pas du genre à catégoriser les personnes, on ne peut jamais s'empêcher de faire parfois des associations. Ainsi, dans mon esprit, il y a des coupes de cheveux qui sont plus représentatives d'un genre que d'autres. Par exemple la coupe "en brosse" symbolise parfaitement la virilité, alors que la coupe au carré ne peut être que féminine. Enfin vous voyez ce que je veux dire... Ça n'empêche personne de faire ce qui lui plait. Mais il faut admettre que les garçons sont rares à oser la coupe au carré, tout autant que les filles la coupe en brosse.
Cependant, comme les choses sont toujours bien faites, il y a toujours un juste milieu, un terrain de compromis, un style qui accorde tout le monde et dans la même idée de "brosse masculine" et "carré féminin", il y a une coupe qui à mes yeux pourrait symboliser le "non-genre".
Un non genre proche du juvénile, dans son sens latin, c'est à dire cette jeunesse encore non définie, non orientée, insouciante et insolente.
Du coup, irrésistiblement, la coupe "au bol" m'inspire une sympathie particulière, symbolisant peut être à mes yeux ce désir d'éternelle jeunesse et de refus des conventions binaires associant le sexe au genre. Mais tout ça bien sûr ce n'est que dans ma tête.
Mais je ne dois pas me tromper beaucoup...
Photos: Aurélie Mestre et Elodie Lefebvre par Sylvia Borel
Comme des garçons
http://www.shesagent.com
Il y a, à l'instar de certains hommes, des femmes qui aiment l'esprit dandy du temps jadis. Un goût certain pour les choses raffinées, les vêtements de qualité et un style de vie dans lequel les barrières de genre sont abolies.
A l'exemple de Danielle Cooper et de son excellent blog "She's A Gent" et sans qu'il s'agisse d'une tendance particulière, ces femmes qui aiment s'approprier les codes et les vêtements habituellement véhiculés par les hommes, leurs donnent une élégance toute nouvelle dans ce style qu'on nomme dorénavant dapper.
Souvent cela n'implique pas les cheveux courts et d'ailleurs si vous prenez le temps de parcourir les archives de son blog, vous découvrirez que mademoiselle Cooper n'a fait connaissance que très récemment avec le salon Blind Barber.
Un style très urbain, évidemment, dans lequel on imagine plutôt facilement des femmes actives, indépendantes, créatives et sans complexes.
En France aussi le style s'affranchit des codes du genre, comme Cyndel et Adeline, "Les Garçonnes" qui montrent dans leur vidéos lookbook à quel point l'androgyne à tous les pouvoirs.
Et si les cheveux courts font très souvent partie de ce style, c'est que là aussi, il n'y à pas de raison suffisante pour s'empêcher d'avoir l'allure qu'on aime...
La plus grande difficulté est sans doute d'adapter aux morphologies féminines des vêtements habituellement taillés pour des morphologies masculines. C'est pour cela que, aux Etats Unis essentiellement ( pour l'instant ), des marques se créent pour le bonheur de celles qui se sentent dapper dans l'âme. Et dans cet esprit, quoi de plus naturel que d'aller se faire couper les cheveux dans un salon de barbier, où là mieux qu'ailleurs on est capable de donner du style à votre low fade?