En des lieux inconnus
D'abord il y a ce sentiment étrange qu'inspire la transgression, un goût d'interdit, un parfum de pêché dans ces caresses puis cette étreinte avec ce corps presque juvénile, souple, lisse, musclé, qui pourrait être celui d'un garçon. De cet étonnement nait une délicatesse presque féminine, lorsque la main frôle la peau, effleure le téton d'un sein minuscule et délicat...
Cette femme il l'aime sans genre, venue tout droit de la mythologie aux personnages extraordinaires qui semble avoir de la compassion pour les humains et il se sent aimé des dieux lorsqu'elle offre à ses baisers sa nuque à la chair tendre qu'elle aime nue et toute prête à frissonner sous ses lèvres.
Dans l'émotion le trouble renait quand les doigts affamés ébourriffent les cheveux courts qui depuis longtemps ne cherchent plus à dissimuler son âme...
Puis le corps échauffé, comme un livre en braille dévoile des secrets et les baisers qui le parcourent excitent la chair qui se hérisse. Le ventre plat et dur, les hanches étroites et le mont merveilleux, lui aussi à peine tondu, comme un gazon parfait...
Enfin l'illusion se dissipe, le doute s'évanouit quand les corps brûlants exultent et que comme dans un miroir fantastique chacun voit en l'autre son propre reflet, tourmenté, torturé par le plaisir partagé...
Photo: Michael Magin
Rumeurs & confusions
C'est un p'tit peu trop facile aujourd'hui dans nos languages de qualifier les gens et de les ranger sagement dans les petites boites adéquat. Je le vois bien autour de moi, chacun a besoin d'être rassuré, de savoir qui fait quoi et d'un simple regard déterminer si oui ou non il ou elle peut sans risque pour son intégrité morale, aborder telle ou telle personne.
Pour aggraver les choses, tout le monde a un peu trop tendance à imiter les médias en donnant des titres génériques à des mots dont le sens est ainsi dévoyé. Cette jeune femme a les cheveux courts comme une garçonne. Elle s'habille avec des vêtements masculins, c'est une androgyne... et dans 4 matins si elle porte un piercing on la soupçonnera d'être lesbienne...
Sauf que la garçonne est un courant de style qui définit moins la coupe de cheveux que l'esprit d'indépendance et la volonté d'émancipation des femmes du début du XXème siècle ( qui par ailleurs avaient les cheveux coupés au carré ). Que l'androgyne l'est tout autant à poil qu'affublée de vêtements, qu'ils soient masculins ou pas, vu que là on parle non plus d'un style mais d'une attitude ou d'un état d'esprit que seule la Nature maitrise et que l'orientation sexuelle est absolument indépendante de tout signes extérieurs, esthétiques ou vestimentaires, qui ne seraient pas ostentatoires.
Oh oui je sais bien ce que l'on va me répondre, qu'il s'agit d'une sorte de vulgarisation, qu'aujourd'hui tout le monde comprend quand on parle d'une coupe "à la garçonne" qu'il s'agit de cheveux courts comme Jean Seberg par exemple et qu'on peut très bien avoir un style androgyne sans l'être vraiment. Eh bien moi je dis: NON! Enfin non, je dis non ( pas la peine de crier pour ça... ) et je persiste à appeler les choses par leur nom, par sympathie pour les femmes qui ont montré la voie il y a bientôt 100 ans et pour les androgynes, les vraies, celles qui conjuguent tant bien que mal, le masculin et le féminin, ce qui n'est pas toujours facile facile...
Alors sur cette belle photo, c'est juste Léa, qui est une très jolie jeune femme aux cheveux courts, habillée avec des vêtements d'inspiration masculine et portant un noeud papillon ce qui ne fait pas d'elle une garçonne androgyne... Voilà voilà.
Photo: Marc Aurèle Palla
Les gentilles filles vont au Paradis ( les mauvaises filles vont où elles veulent )
Elles sont en bande, comme de jeunes louves qui maraudent entre elles. Elles savent les codes et se reconnaissent infailliblement. Ces mauvaises filles sont belles pour celles et ceux qui aiment l'insolence et la liberté. Leurs vêtements sont sans genre et leurs cheveux sont courts. Elles jouent ainsi parfois les androgynes mais ne le sont pas vraiment. Rien ne semble les effrayer et comme des guerrières elles ont sur le corps des tatouages qui parlent pour elles.
Les mauvaises filles ne cherchent pas à séduire, on les aime ou on les déteste pour ce qu'elles ne sont pas, parce qu'on les croit fières et affranchies et que nulle case ne les contient. Pourtant elles ont la nuque fragile et la peau tendre des filles de 20 ans, quelques fois la voix douce et le rire cristalin mais leur féminité n'est pas docile ni soumise et leurs amours sont équitables.
Les mauvaises filles sont libres et le prix de cette liberté n'est que le regard des autres, parfois méchant ou méprisant, le même que celui des braves gens sur deux filles qui s'embrassent et que celui de tout ceux qui croient connaître sans jamais chercher à savoir...
Photo: Pascal Pierrou
Breaking News - Live from Italy by Alex Tomboy
Comme tout le monde le sait ici, Alexane est partie à la poursuite de ses études en italie. Profitant de cette opportunité, je l'ai bombardée petit reporter et envoyée spéciale transalpine du blog.
Après quelques semaines d'acclimatation à la douceur toscane notre envoyée spéciale produit (enfin ) son premier "papier". Une rencontre comme il se doit, avec une femme aux cheveux courts de Florence:
J'ai rencontré Anna Carla grâce à Elita, croisée dans une auberge de jeunesse à Florence. Et je peux dire que quand je l'ai vu arriver au loin avec son sac à dos, son bonnet et sa démarche de vrai Boy, j'ai su qu'elle allait correspondre ! Puis les présentations, la poignée de main (la bise en Italie ? No way) et le regard... Oui je suis tombée amoureuse. Et j'peux donc remercier Jean car le blog était quand même un sacré bon point de départ pour commencer une discussion !
Anna Carla, c'est donc une fille qui transpire la joie de vivre et qui la transmet tout naturellement à ceux qui l'entourent avec sa simplicité, son rire et sa bonne humeur constante. Enivrée par cette félicité, je me lance et lui parle du blog et de ses cheveux, en partageant une bière.


Une idée qui trotte dans la tête
C'est comme une ritournelle, une petite chanson enfantine qui revient toujours, profitant d'un moment calme dans le tourbillon de la vie. On ne sait pas vraiment comment c'est venu là, on sait juste que c'est une envie et on évalue à chaque fois tout ce qui rend cette envie raisonnable... ou pas. La vie, le boulot, le conjoint, les enfants, la vie sociale, la météo, les clients, le Pape, Obiwan Kénobi....
Alors on demeure dans cette image qui petit à petit nous devient étrangère tellement elle ne correspond plus au coeur qu'elle renferme. On baisse les bras, on courbe l'échine pour rentrer dans ce rôle que quelqu'un d'autre a écrit pour nous...
En attendant un événement. Un bouleversement.
C'est souvent quelque chose de dramatique, un deuil, une rupture, un divorce, qui finit par nous faire admettre la relativité des choses, ce qui est important et ce qui l'est moins. Et l'on accepte enfin l'idée qu'être soi même est bien plus enrichissant que de jouer un personnage qui plait aux autres, qu'il vaut mieux vivre qu'exister à travers les autres.
Alors la petite chanson revient. Elle n'est plus une obsession, elle devient une idée lumineuse, le moyen évident de tourner définitivement le dos à cette vie d'avant.
C'est à la fois pas grand chose et la plus importante qu'on ait fait. Quelques coups de ciseaux dans une chevelure, cela semble tellement futile. Mais soudain on découvre celle que l'on a toujours été, à l'intérieur. Enfin tout s'accorde, les batteries se rechargent, le courage déborde. Tout est possible, à nouveau.
Photo: Barbara F.
Insupportable
Je me demande ce qui m'affecte le plus, entre l'incrédulité ou la déception, lorsqu'une (jeune) femme se vante devant moi de n'attacher aucune importance à sa coupe de cheveux, considérant cela plus comme une nécessité, une sorte de corvée, que comme un plaisir ou une pièce essentielle de son bien être. C'est sans doute ma vision si particulière des femmes aux cheveux courts qui fait ça, mais j'ai du mal à supporter ce manque de considération, cette façon de se coiffer à la va-comme-j'te-pousse, de se couper les cheveux comme on se couperait les ongles, juste par hygiène.
Il y a pourtant un paradoxe ( encore! ) dans cette humeur que provoque chez moi ce comportement. Moi qui ai tant d'affection pour les "tomboys", ces "garçons manqués" qui cultivent leur part de masculin, cela devrait sembler normal que la coupe de cheveux soit traitée avec autant de dedain que le maquillage ou les robes, de soirée ou non.
C'est peut être l'excès alors qui me gène, ce trop de masculin, cette désharmonie entre andros et gyne... Faudra que j'en parle à Frida.
Photo: Dress Your Days With Dreams
Ça faisait longtemps
Le sentiment général serait qu'on la voit moins. Peut être une illusion car elle fait toujours le bonheur des chroniqueuses de mode du monde entier. Anne Catherine est blonde, enfin l'était, on ne sait plus trop... Anne Catherine a les cheveux longs, enfin presque, pas partout. Son coiffeur, qui n'en fait qu'à sa tête, n'a jamais avec elle, renoncé à la tondeuse. Si bien que sous la coupe au carré, chic et bon genre, il y a toujours un peu de rockn'roll.
Et puis elle l'a dit, les cheveux c'est un plaisir, un amusement. Les siens sont courts depuis qu'elle a 16 ans, mais de temps en temps, voir ce que ça donne si on les laisse un peu pousser, pourquoi pas? Mais sans jamais renoncer à la douceur secrète du velours d'une nuque tondue....
Photo: Vanessa Jackman
Les beaux jours reviennent on dirait
Il y a des détails qui ne me trompe pas. A la manière du retour des hirondelles ou du passage des cigognes, dès l'approche des beaux jours, Laora s'agite et ressent un irrépressible besoin de changer de tête. Cela se traduit souvent pour l'entourage que nous sommes Frida et moi, par un matraquage publicitaire vantant les mérites des meilleurs coiffeurs de la ville et l'observation chez notre sujet préféré de troubles obsessionnels compulsifs, du genre à ne jamais croiser un miroir sans soulever ses cheveux, les tirer en arrière le tout en plissant le regard pour imaginer la tête que cela pourait produire si elle faisait ceci ou cela...
Durant cet état de confusion, nous ne manquons jamais, la doctorin et moi, de faire des paris, souvent très élevés, sur le résultat final de la campagne " coupe de printemps" de l'italienne. Souvent Frida mise sur un changement minime, s'amusant par avance de voir la montagne accoucher d'une souris et considérant toute cette agitation pour si peu comme hautement risible.
Pour ma part je reste longtemps sceptique, mais je sais que la lombarde est capable de toutes les audaces. Cependant, le montant des sommes en jeu nous oblige à être attentif à tout les détails, comme un magazine qui trainerait, ouvert sur une page montrant un mannequin aux cheveux courts et dans ce cas là bien sûr, le premier à le découvrir va s'empresser de le faire disparaître...
Moi "- Dis donc chevreau, c'est toi qui lisais ce magazine que j'ai trouvé?
Laora - Si! Tou as vou la photo dé la fille? Pas mal no? Jé crois qué j'ai l'envie dé faire cette coupe là.
Moi - Ah pas de doute, c'est dans la tendance... Genre punk chic, élégant et destroy... Tu fais ça quand?
Laora - Ah mais tou penses que ça va m'aller? Tou penses pas qué c'est trop rasé?
Moi - Ah pas du tout! A toi tout te va tu sais bien... Et personnellement j'adore le style " dis-je sournoisement, cherchant à battre le fer encore chaud. " Pourquoi est-ce qu'on irait pas tout de suite?"
Laora " - Ouh tou m'accompagnes? Tou es oune amour... Pffft j'en ai marre, j'ai vraiment l'envie dé quelqué chose de léger, frais, nouveau, original....
Moi - Alors zou! Allons-y ma gazelle " Dis-je en me frottant les mains mentalement à l'idée du pactole que j'allais rafler à la thérapeute de la Forêt Noire...
Photo: Ari Abramczyk
L'oeil de Marie Laure
J'avais oublié son regard, ses yeux presque translucides à force de bleu... Du temps est passé, pourtant la reporter semble toujours prête à jeter son sac sur l'épaule.
Je me rappelle de Marie Laure de Decker et d'un autoportrait dans les années 70. Elle avait une tête de moineau, maigre et déplumé. Son crâne rasé estampillait sa détermination. Elle avait abandonné son genre pour faire ce métier qui la fascine. De son propre aveu elle n'a jamais rien fait pour attirer le regard des hommes. Jamais! Ponctue-t-elle. Tout est question de sympathie.
A 20 ans elle part au Vietnam... Dit comme ça, 7 mots les uns au bout des autres, aujourd'hui ça pourrait presque ne pas impressionner. Mais en 70 c'est la guerre, la vraie.. celle qui attire comme un aimant les photographes "qui en ont". Quelques uns en mourront.
Elle en revient, mariée pour toujours professionnellement à son agence qui bien plus tard la maltraitera. Sordide business...
Dans cette frise de 21 autoportraits c'est presque toute sa vie personnelle. Une vie d'aventurière, entre les plateaux de mode et les sables du Tchad. Une vie de femme aux cheveux courts... Aujourd'hui elle est une référence, son nom parmi les plus grands du reportage photo... et une héroïne dans mon panthéon.
Photo: Eric Cabanis AFP
Autoportraits: Marie Laure de Decker
J'ai rien d'mandé!
J'étais tranquille au bureau, en train de descendre un cappuccino, profitant du soleil printanier et de la vue sur mes contemporains, lorsqu'une amie de passage, m'apercevant de loin, m'annonça son imminent atterrissage à ma table par de grands gestes à la façon d'un matelot de la Marine à voile transmettant un message.
Résigné au sacrifice de ma sérénité, j'accueilli ma passagère et toute son exubérance. Finalement, j'ai beau dire, j'aime ce genre d'imprévu et ce petit grain d'épice qui vient réhausser la tonalité d'une journée banale. Je m'installais donc dans la posture qui me convient le mieux, celle de l'auditeur attentif.
Je passe les détails de la conversation dont le large éventail couvrait en quelques instants le dernier film vu au cinéma, les Oscars, la fashion week à Paris, le mystère d'un avion disparu et la nouvelle coupe de Vanessa Paradis... Cherchez l'intrus...
Et puis comme nous en étions à parler de sa coiffure, qui finalement n'en était plus une tellement elle n'avait pas vu son coiffeur depuis des lustres, elle finit par m'avouer que " oui oh tu sais les cheveux c'est pas si important que ça! " Inutile de dire que j'ai manqué de peu un AVC, mais pas de m'étouffer avec ma gorgée de café chocolaté.
Epongeant tant bien que mal mes postillons sur la table, je trouvais enfin la ressource nécessaire pour lui faire comprendre que sous son apparence anodine et futile, ce sujet avait justement quelque chose de fondamental dans notre comportement. Qu'il s'agissait de l'expression, quelques fois inconsciente, de notre personnalité même. Envie d'être soi même, envie de se libérer, envie de tourner la page, envie de se remonter le moral... direction le coiffeur. A ce niveau là, je pense qu'il faudrait sérieusement envisager un remboursement par la Sécu.
D'ailleurs tant qu'on y est, je crois que la lecture de ce blog devrait pouvoir être prescrite par les médecins... Ben quoi?
Photo: Publicité J.Dessange