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Les Affranchies

Quartier Libre - Pauline

9 Mars 2013 , Rédigé par jeaneg Publié dans #Quartier Libre

C'est sous la forme d'une petite nouvelle que Pauline exprime son ressenti et profite de ce Quartier Libre...

 

Toute petite, elle arborait une coupe au carré, avec une frange bien droite, qui laissait apparaître sa jolie nuque fine et son grand père, cet homme impressionnant qui était si avare de démonstrations affectives, se laissait aller quelques fois à déposer sur cette nuque une caresse pleine d'émotion.

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Il était le seul à faire cela et elle était sans doute la seule à recevoir ce privilège de sa part. Malgré son jeune âge, elle en était bien consciente et c'était pour elle une grande fierté.

Il portait bien son nom dont l'étymologie signifiait "la force de l'ours". Il avait tout de l'ours en effet, de la carrure imposante aux mains solides, grommelant souvent de sa voix grave. Jusqu'à son goût pour la solitude, lorsqu'il se repliait dans son petit atelier...

Cet atelier était aussi sombre qu'une grotte, mais à chaque fois qu'elle y pénétrait, elle espérait toujours qu'il lui laisse découvrir les merveilles qui s'y trouvaient, tapies dans l'ombre, attendant paisiblement qu'il les saisisse et les bricole de ses grosses mains tannées, pour mettre à l'oeuvre son petit génie intérieur...

Elle était fascinée par son univers si étrange et elle avait le sentiment qu'elle seule pouvait voir à travers sa carapace, sans vraiment comprendre comment, ni pourquoi. Elle voyait aussi sa colère, sa tristesse et aussi ses peurs... La peur de mourir entre autres.

Alors elle a tout fait pour entretenir ce lien particulier, pour s'imprégner de ces petits morceaux de son être qu'elle aimait tant, comme pour se les approprier et ainsi le tenir vivant plus longtemps, peut être même pour toujours.

Le temps passa, la petite fille grandit et laissa pousser ses cheveux pour jouer à l'adolescente comme les autres. Elle qui était si fière de se sentir privilégiée étant petite, elle a voulu se fondre dans la masse pour être aimée de tous. Mais bien sûr, on ne peut pas être aimée de tous, surtout durant l'adolescence!

Puis arriva ce qui devait arriver, son grand père était vieux, fatigué et malade. Un matin il tenta de se mettre debout, comme pour faire face une dernière fois, faire rugir l'ours face aux vieux démons qui étaient venus le chercher et cet effort le terrassa. L'Ours était vaincu.

Elle n'avait jamais été à un enterrement, elle ne savait pas ce qui se passait dans ces moments là et simplement pas l'envie de le savoir. Mais cette fois, c'était différent. Il fallait qu'elle y aille, il fallait qu'elle rende grâce à ce privilège qu'il lui avait toujours offert. Alors sans se soucier de ce que pourrait penser sa famille, elle décida de "se faire belle" pour cette occasion, de se couper les cheveux, plus court qu'elle ne l'avait jamais fait, surtout au niveau de la nuque.

Et, dans la tristesse de l'assemblée, elle senti sur elle les regards. Elle se fichait bien de savoir si ces regards étaient positifs ou négatifs; ce qu'elle sentait, c'était à nouveau ce privilège de se sentir différente. Elle sentait à l'intérieur d'elle même ce sentiment de porter quelque chose d'unique, sans doute ce quelque chose qui touchait l'Ours en plein coeur.

Depuis, elle sent souvent dans sa nuque courte de femme, des sensations étranges et des regards fascinés. Alors elle imagine recevoir à nouveau, avec le vent, la caresse de l'Ours attendrit...

 

Pauline G.

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