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Les Affranchies

Quartier libre - Morgane

1 Mai 2012 , Rédigé par jeaneg Publié dans #Quartier Libre

Ce "quartier libre" c'est une page ouverte à une femme aux cheveux courts, aujourd'hui à Morgane qui m'avait beaucoup touché la première fois qu'elle m'avait écrit

 

 

Morgane.jpgLe trajet fut fait en silence, pas un mot échangé avec la conductrice de la voiture, comme si elle n'était pas là, comme si ce n'était pas ma mère. Dès 14h30 nous avons roulé en direction  de mon rendez vous tant attendu chez ma coiffeuse.

{C}

Comme d'habitude, j'avais préparé un album sur mon I-Phone de coupes à lui montrer, et je repassais en boucle les photos, indécise.

Je n'avais même pas pris la peine de coiffer mes cheveux, avec ce sentiment qu'ils étaient trop longs pour en faire encore quelque chose. Leur longueur en fait, ne devait pas dépasser la dizaine de centimètres il me semble...Et puis quoi ? C'était déjà trop.

On est rentré dans le salon. Ma coiffeuse m'a salué avec un sourire et m'a lancé: "installe toi là, j'arrive dans 5mn."

 

Elle était en train de faire des mèches à une femme blonde, cheveux raides et longs, qui, avec l'amoncellement de papier alu, ressemblait à un poulpe. J'ai sourit et je me suis installée. Ma mère, comme à son habitude, à prit un café. Moi, j'ai feuilleté un magazine de coiffures pour passer le temps. Je ne me souviens que de cette coupe courte, rasée d'un côté et de la mèche violette qui barrait le front d'une jeune femme aux yeux bleus. Je l'ai montré à ma mère, qui a juste souri poliment.

La coiffeuse est arrivée, nous sommes allées vers le bac où elle a lavé mes cheveux avec ce shampoing qui sent l'amande. J'ai toujours aimé ce moment, où l'on nettoie minutieusement ce que l'on s'apprête à détruire. À coup de serviette éponge, elle a retiré le trop plein d'eau de cette masse sur ma tête. Ce n'étaient déjà plus mes cheveux. Ennemi public numéro 1.

Je me suis réinstallée sur ce fauteuil blanc et design sur lequel je m'assois depuis près de cinq ans, et j'ai laissé ma tête entre les mains de ma coiffeuse aux cheveux rouges, comme je l'avais fait la première fois pour une coiffure de kermesse en primaire: " Alors, tu as des photos ?" 

 

Elle me connaît bien, elle les a regardé, elle a froncé les sourcils. J'ai fait une grimace. "Moi qui pensais sortir ma tondeuse cette fois, c'est bien classique tout ça... "

 

J'ai fait un signe discret  en direction de ma mère assise plus loin. Elle a sourit. "Moi, j'ai une idée, on va faire un beau mélange, et je vais te raser un côté, de là à là tu vois, en virgule, ça te dit? 

- Je te fais confiance."

 

Alea jacta est. C'était parti, j'avais déclenché la machine aux ciseaux et peignes.

Je voyais avec délectation tomber des mèches entières, et je sentais ces petits cheveux qui s'accrochent désespérément aux cils, au visage entier, aux épaules ou aux oreilles, comme pour éviter de disparaître totalement. Mais déjà, ils ne faisaient plus partie de moi, et déjà j'entendais le magnifique ronronnement mécanique de la tondeuse. Son bout froid passa près de mon oreille, je frissonnais, j'avais l'impression qu'une bête galopait sur mon cuir chevelu d'un coup si sensible. Et puis elle a finalement sorti les ciseaux rose fluo pour désépaissir le reste de mes cheveux. Cela faisait comme si elle avait passé un coup de plumeau pour enlever la poussière et des moutons de cheveux se sont envolés à droite, à gauche. Moi, je me voyais dans la glace, avec un sourire non dissimulé, je croisais même mon regard brillant. Il n'y avait que moi, ma coiffeuse et mes cheveux. Et beaucoup d'égocentrisme.

Oh miracle des cheveux courts, ils étaient déjà secs, mais pourtant elle a balancé un coup de spray aqueux, et les revoilà luisants. Un petit peu de cire, ses doigts qui courent encore sur mon crâne, entre les mèches, et c'était terminé, fini. Enfin, et à la fois trop tôt.

Dernier coup d’œil aux restes abandonnés au sol, j'ai payé, ma mère n'a rien dit, je pense que cela signifiait que ce n'était pas si mal. Une fois dans la voiture, réflexe habituel du regard dans le miroir du pare-soleil, comme pour être sûre que je les avais réellement sur la tête. Oui. On a démarré, on s'est dirigées vers le centre ville, il faisait soleil et une chaleur épouvantable.

Je me suis éjectée de la voiture pour me dépêcher d'aller à mon autre rendez vous, plutôt pilaire que capillaire. L'esthéticienne avait des cheveux trop longs qui m'ont intrigués un instant, d'un brun rougeoyant. J'étais trop euphorique pour avoir mal, en deux temps trois mouvements, mon cas était expédié et je retournais dans la rue après avoir essuyé les regards de clientes, disons le, légèrement complexées, leurs paniers remplis de produits de beauté dont l'utilité des trois quart m'échappe.

« Le monde est à moi » me suis je dit en remettant mes lunettes de soleil. Deux heures après, j'étais chez moi, avec mes cheveux, une nouvelle paire de chaussures comme après chaque passage chez ma coiffeuse, et ce putain de coté rasé sur lequel j'aime trop poser mes doigts pour que cela ne passe pas pour un degré de fanatisme capillaire élevé et délectable. Après tout, il paraît que les cheveux sont un élément puissant de l'érotisme féminin...est ce pour cela que les femmes aux cheveux courts, parce qu'elles ont voulu se sentir belles, le sont encore plus ? 

 

Texte & dessin: Morgane V.

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