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Les Affranchies

Moïra - chapitre 10

6 Avril 2010 , Rédigé par jeaneg Publié dans #Nouvelles et petites histoires, #Moïra

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Je n'arrivais pas à faire sortir Moïra de ma mémoire. Le temps avait pas mal passé pourtant, mais elle restait accrochée dans ma tête comme une envie. J'étais devenu cet ancien alcoolique qui rêve d'un verre de scotch, cet opiomane en quête d'une fumerie chinoise. Aucune des femmes que j'avais rencontrées après elle n'avaient pu faire disparaître cet étrange sentiment de plaisir et de danger ressenti avec elle. Un poison bien plus toxique que la chair du fugu...

La voiture de l'ambassade me conduisait à l'hôtel Four Seasons, de l'autre côté du parc Chapultepec. A cette heure là Mexico city avait  presque l'allure d'une ville agréable. Une mission de coopération pour la lutte anti cartel m'avait amené jusque là, pour faire la liaison entre le monde consensuel et bien cravaté des diplomates et celui bien plus rugueux de nos forces spéciales. Mais l'attaché militaire n'était pas un officier de salon. Il avait traîné ses guêtres dans pas mal d'endroits surchauffés, et voyait arriver cette mission avec le plus grand soulagement. Je pouvais compter sur lui pour jouer l'interface de qualité.

Tout à coup, le chauffeur sembla nerveux. Son regard allait de plus en plus rapidement du rétroviseur à la conduite. Je me tournais légèrement pour regarder à l'arrière et je vis un motard qui ostensiblement nous suivait. Le chauffeur n'eut pas besoin de donner d'explication. Il se contenta de m'indiquer le plancher sous mon siège. J'y mis la main et saisi le HK MP5 qui s'y trouvait. Connaissant la ville, il n'était pas question de se faire cueillir comme un vulgaire ingénieur des pétroles pour venir grossir le cheptel des gangs de rançonneurs. Le chauffeur fit les manoeuvres d'évitement et de rupture de filature d'usage, mais le motard suivait toujours. Le danger à présent pouvait arriver de tous les côtés. Juste avant d'atteindre le Four Seasons, le motard accéléra, dépassant la berline...

En voyant cette silhouette, plutôt fine, un sourire me vint aux lèvres. Je reposais le pistolet mitrailleur sous mon siège et tapotais le bras du chauffeur qui visiblement ne comprenait pas.

Alors que la voiture stoppait devant l'entrée, je vis la moto garée sous les arbres. Le chauffeur proposa de m'accompagner, mais je déclinais son offre. Le motard était en train d'enlever son casque et depuis la voiture nous l'observions. C'était elle! Jean, bottes de cuir et blouson de toile, clouté et parsemé de badges en tout genre. Les cheveux étaient bien plus courts que la dernière fois. Elle chaussa une paire de lunette de soleil et traversa devant nous, fière et désinvolte dans sa démarche souple et athlétique. Elle grimpa les marches de l'entrée et je la suivi, laissant le chauffeur, qui pourtant en voyait pas mal dans sa chienne de vie, bouche bée.

"- Tu m'as manqué...Bon sang..." Elle s'éclaira d'un sourire affectueux.

"- Ben toi aussi figures toi Frenchy. Surpris?

- Comment m'as tu trouvé?

- Facile. Quand tu sauras ce que je fais...

- Vas y..."

Le bord de la piscine était désert. Les boissons servies, Moïra, comme si elle me parlait de son dernier shopping, m'affranchi sur sa nouvelle activité.

"- Je suis de passage, comme toi. Aujourd'hui je suis posé à Pacific Palissades.

- Noooon...

- Mais je bouge pas mal. Figures toi que j'ai un petit business avec des négociateurs."

Je savais ce que pouvait être ce job. Dans certains pays le kidnapping était devenu un vrai sport national. Les compagnies d'assurance payaient à prix d'or des anciens des Services ou des Forces Spéciales pour "négocier" le réglement avec les ravisseurs. Mais beaucoup de sociétés n'avaient pas les moyens d'assurer leur personnels, à "temps complet". Aussi le créneau restait à prendre pour celui , ou en l'occurence, celle, qui avait le carnet d'adresses et le sésame pour investir ce milieu.

"- Si je comprends bien, fini les missions sur le terrain pour toi. Aujourd'hui c'est toi le Boss. Tu gères....Alors plus de coiffeur au retour de mission? " Dis-je en souriant. Elle ébouriffa ses cheveux courts.

"- T'inquiètes! J'ai mieux que ça...

 

Photo: Kasey Riot by Sushi

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