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Les Affranchies

Banc public

23 Septembre 2012 , Rédigé par jeaneg Publié dans #Nouvelles et petites histoires

Sophie_Sherova.jpg

Ce matin là il errait dans le parc, comme il errait dans sa vie, sans but précis, sans envie particulière, sans désir... Oui sans désir... Et comme le soleil décidait de se pointer un peu il mit le cap sur le banc près du bassin. Au détour d'un massif il se renfrogna en découvrant que le banc était occupé par un type qu'il apercevait de dos. Un instant hésitant il décida tout de même d'y trouver sa place et pourquoi pas, faire connaissance avec ce gars là.

En approchant le doute s'installait. Ce type n'en était pas un. Il ne distinguait pas ses traits, mais cette morphologie l'intriguait. Les épaules un peu carrées sous le jogging, le cou assez fin. Un silhouette plutôt grâcieuse... Pourtant les cheveux étaient coupés très courts, la nuque presque tondue... Il s'arrêta, espérant un mouvement qui lui permettrait de voir le visage, mais rien ne se fit. Et soudain il se rendit compte qu'il n'avait jamais été confronté à ce genre de doute. Il avait toujours plein de certitudes, sur tout, mais là il semblait perdu, à ne pas savoir décider du genre à attribuer à la personne devant lui. 

Il lui suffisait de faire quelques pas de plus pour résoudre l'énigme, mais il ne parvenait pas à les franchir. Il demeurait le regard fixé sur cette nuque blonde, cette tête qui de dos lui disait qu'il s'agissait d'un garçon et ce corps ambigu... Comme reprenant ses esprits après un léger étourdissement, il se remit en marche.

En contournant le banc il hésita encore. Cette fois il était libéré du doute, mais la jeune femme semblait dormir, les yeux clos et la respiration régulière. Bizarrement il se mit à ressentir une sorte d'attendrissement et un sourire lui vint aux lèvres... Il y avait tant de sérénité dans ce visage délicat. Il se dit qu'elle était très belle malgré cet accoutrement de sport et demeurait fasciné par cette coupe de cheveux, si courte mais qui finalement parlait tellement bien d'elle. Il savait qu'elle allait sentir sa présence et ouvrir les yeux, mais il ne réagissait pas, occupé à peindre, dans sa tête, le portrait de cette femme qui avait mis en doute ses certitudes.

En effet elle le regardait à présent, souriante: " Je vous laisse la place, je dois y aller... " Il aurait voulu la retenir, repliquer un mot accrocheur, la connaître... Déjà elle trottait sur l'allée, le corps souple et félin. 

Ce matin là il était assis sur le banc près du bassin... Le coeur plein de désir.

 

Photo: Sophie Sherova

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