L'enquête - Un portrait de Clara
Au commencement, il y a Clara, une jeune femme, bien dans son époque, musicienne, cavalière intrépide, bien décidée à apprendre le cinéma. En somme, que des trucs de passion. Clara a les cheveux longs, mais pense depuis longtemps à les couper. Une idée comme ça, qui fait son chemin. Jusqu'à ce moment où, pour être admise au concours d'entrée d'une école fameuse, on lui demande de réaliser un dossier. Son sujet est tout trouvé: La coupe de cheveux est-elle un attribut de genre? Elle se lance alors dans une enquête approfondie, à la rencontre des Femmes Aux Cheveux Courts...
"... Afin de mieux comprendre ce désir, mais aussi d’en cerner tous les enjeux, j’ai pensé rencontrer ces femmes dont l’expérience me permettrait de comprendre l’importance et la prégnance de telles normes. Comment les jeunes femmes occidentales d’aujourd’hui utilisent-elles un symbole aussi puissant de féminité qu’est la coiffure pour parler d’elles ? Comment et pourquoi se libèrent-elles de cette règle historique du genre pour affirmer quelque part, une nouvelle façon d’être femme ?"
Mais on ne pénètre pas impunément le monde des FACC sans y laisser quelques plumes cheveux. Les rencontres, les témoignages, les heures passées dans un salon de coiffure pour comprendre les motivations et l'état d'esprit des femmes, jeunes ou moins jeunes, féminines, androgynes, garçonnes, tout cela entraine Clara sur une pente irrémédiable. Un jour, elle n'y tient plus et se coupe elle même les cheveux. Erreur de débutante direz vous? Pas vraiment et son argument est plutôt valable...
"... Je suis allée prendre rendez-vous chez le coiffeur pour mardi. Je vais devoir mettre en place une sorte de protocole de préparation, pour donner à cet acte tout ce dont je voudrais le charger. C’est en même temps le désir de ne pas être déçue, comme si naissait aussi le fantasme d’une libération. C’est pour cela que je choisis de me couper les cheveux moi-même dans un premier temps. Je veux ressentir cette emprise sur mon propre corps, cette modification physique pleine de sensations et d’allègement.
C’est d’abord le bruit aigu des ciseaux qui luttent face à l’épaisseur et au nombre. Ces cheveux qui eux, répondent par un son rugueux et sourd, lancinant. On a le souffle court parce qu’instinctivement notre corps tout entier répond au geste, il s’est calé sur le rythme du mouvement. Ce mouvement répétitif, la force qu’il faut y mettre face à la résistance des cheveux, comme un combat entre sa volonté et son corps, le temps qui a passé et que l’on balaye d’un coup de ciseaux. On est d’abord tout à son effort, essayant de couper droit, uniformément, pas trop quand même. Et moins il reste de mèches sous les lames, plus la curiosité augmente, plus le désir de voir se fait inquisiteur. Alors je me regarde dans le miroir, une fois, deux fois…"
Et voilà! Le doigt est dans l'engrenage, plus rien à présent ne pourra résister à " l'addiction" que toutes les habituées connaissent...
La voici à peine coiffée " à la garçonne " par un coiffeur un peu fébrile, peu habitué aux cheveux très courts, que déjà elle n'a en tête qu'une chose: Les recouper, mais cette fois pour de bon, très courts! Et c'est justement là que nous faisons connaissance. Parce que depuis le temps, quand quelqu'un s'intéresse aux cheveux courts des femmes dans ma grande ville du Sud, il finit presque toujours à la terrasse d'un bistrot en face de moi pour en parler.
Et moi vous savez, je ne suis pas tellement du genre à empêcher les gens d'assouvir leurs envies. Clara cherchait LE coiffeur capable de couper ses cheveux vraiment courts et je l'ai aussitôt envoyée entre les mains de Régine...
Une enquête qui se termine donc en travaux pratiques. On ne pourra pas dire que l'enquêtrice ne s'est pas investie dans son travail.
