Trancher dans le vif
18 Avril 2018 , Rédigé par jeaneg Publié dans #Humeurs, #Divers & variés
D'abord... d'abord il y a une sorte d'exaltation. Une excitation étrange, le sentiment de se prêter à un acte totalement insensé, de transgresser une règle secrète et de conquérir une liberté. Une folie oui! Mais c'est tellement bon. Et puis, cette idée, ça fait des semaines qu'elle tournait dans sa tête, jusqu'à cet instant ou elle se retrouve dans le studio du photographe. L'agence a décidé pour elle, ou plutôt les avis ont convergé. On l'encourage. Le coiffeur pro a prêté ses ciseaux. L'objectif est prêt, elle empoigne une mèche sur son épaule et doucement, pendant que le flash crépite, elle sent les lames trancher la matière, crisser sur le cheveux et claquer d'un coup sec. Elle a le cœur qui bat, une sorte de trac qui la fait rire. Elle abandonne la mèche qu'elle vient de couper, sans un regard, glisse ses doigts à travers les cheveux et empoigne à nouveau ceux qui vont être coupés.
Un instant, le professionnel reprend la main, rapidement taille les mèches inégales, raccourci encore la chevelure en un carré présentable. Le photos reprennent. Elle a saisi de nouveau la paire de ciseaux, mais cette fois elle les tient tout près de son visage. Elle tire un peu sur les cheveux, comme pour éviter d'être trop près du crâne. Elle sent l'inéluctable, il ne faut plus reculer. Son rire nerveux a disparu, elle se concentre. Coupe, coupe encore. Ce n'est pas désagréable cette amputation sans douleur, presque excitant.
Cette fois la tête se dessine dans sa rondeur. Le coiffeur est là, reprend les ciseaux, taille encore un peu, ici et là... Puis s'approche avec une tondeuse qui hurle un peu. Le bruit envahi le studio. Cette fois les visages restent graves...
Avec adresse le coiffeur a glissé les lames vibrantes sur le crâne, moissonnant les cheveux déjà presque courts. Il est passé puis repassé au même endroit. Les cheveux libérés du poids de leur longueur se redressent comme autant de chaumes d'un champ de blé. Les photos reprennent, cette fois c'est elle qui tient la tondeuse, intimidée. Elle est un peu maladroite. Les crissements des ciseaux sur les mèches soyeuses, un peu intimes, un peu sensuels, sont remplacés par le ronronnement de l'engin qui hache la chevelure, frôlant le crâne, s'appuyant sur la peau. Et au fur et à mesure que les cheveux éparpillés s'accumulent sur les épaules et la chemise, l'émotion grandit.
Le trouble s'intensifie lorsque la main libre passe délicatement sur les cheveux tondus, caresse l'arrondi du sommet, la nuque. Il y le vide. Doux, soyeux, presqu'aussi agréable que le pelage d'un animal, mais cette nudité soudain l'affole et la bouleverse.
Elle est heureuse, mais émue presqu'aux larmes. Le coiffeur termine, repasse encore et encore pour que plus rien ne dépasse. Voilà! C'est fait, ses cheveux blonds sont tondus, rasés et ils apparaissent plus sombres. Tout autour d'elle gisent des mèches plus ou moins longues, vestiges de son autre elle même, souvenir de celle qu'elle était auparavant, jolie, blonde, attendue. La voici nouvelle, hors du cadre. Les photos reprennent, les flashes font briller les larmes qui ont coulées sur ses joues, mais cet émoi s'estompe, remplacé par un sentiment étrange, de liberté, de fierté. Oui de fierté.
Modèle: Irka Chiganaeva - Tush Magazine
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