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Les Affranchies

Une petite robe toute simple

1 Septembre 2017 , Rédigé par jeaneg Publié dans #Tendresses, #Nouvelles et petites histoires

Photo: Iris Erlings

Photo: Iris Erlings

Pour l'occasion, elle avait mis cette petite robe toute simple, la seule qu'elle ait jamais envisagé de porter et puis elle avait maquillé son regard et ses lèvres. Cela lui donnait une allure inhabituelle, élégante et adoucie, laissant voir une féminité que la plupart ne soupçonnait pas.

Elle avait patienté, sagement, concentrée sur le travail de l'artisan, sans s'occuper du regard des autres, puis son tour venu, presque timidement elle s'était installée dans le fauteuil large et confortable. A cet instant, le plus naturellement du monde, elle croisa les jambes avec élégance, les bras nus posées sur les accoudoirs de faïence, elle avait une allure de princesse, un peu altière, installée sur un trône. 

Elle n'a rien perdu de cette grâce au moment où on l'enveloppa de la camisole rayée, bordant son col de papier crépon. Elle se scrutait dans le reflet du miroir, la mine grave, le visage masqué par ses cheveux sombres. Pour répondre à l'interrogation du coiffeur, elle lui montra une photo capturée sur son portable. L'homme fronça gentiment les sourcils, insista pour entendre sa voix et s'assurer qu'elle était fermement décidée. 

Les choses alors sont allées assez vite. L'homme avait les gestes précis, techniques et elle trouvait cela apaisant. Malgré tout elle sentait son coeur battre et s'emballer un peu plus chaque fois qu'une mèche, plus lourde que la précédente, venait mourir au creux que le nylon formait sur ses jambes croisées. Les ciseaux tranchants les cheveux faisaient un bruit déchirant, un lent crépitement et l'instant d'après le peigne semblait glisser plus aisément dans la chevelure. Enfin le silence se fit. Ses yeux pétillaient de malice en voyant la petite tête déjà dégagée de la masse sombre. Mais la dramaturgie montait d'un cran. Cette fois l'atmosphère se remplie toute entière du bourdonnement de la tondeuse qui rugit comme un petit monstre affamé. Elle baisse la tête, sans soumission, la relève, la penche, à droite, à gauche à chaque vibration qui effleure son crâne, elle se sent un peu plus légère, un peu plus libre. Malgré tout l'émotion la submerge lorsque l'appareil impitoyable ratiboise son front et enlève tout marque d'une quelconque coquetterie. La voilà tondue, rasée, ne supportant plus qu'à peine un demi centimètre de cheveux sur le sommet de son crâne et son visage explose dans le reflet du miroir où elle ne voit plus désormais que ses yeux immenses, son front large, ses pommettes saillantes, son nez fin aux narines qui palpitent. Ses yeux brillent et elle sourit irrésistiblement...

L'homme à présent fignole, harmonise, ne voulant pas laisser un seul cheveux dépasser, comme un jardinier amoureux sur son gazon de luxe...

Enfin le voile de nylon s'efface et lui redonne son corps d'où la féminité exulte dans la petite robe toute simple. Elle s'approche du miroir, époussette son visage, passe une main étonnée sur ses cheveux ras. Son visage s'éclaire, comme si elle venait de reconnaitre son amie la plus chère qui lui tendait les bras... 

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