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Les Affranchies

Les enfants perdues

28 Juillet 2017 , Rédigé par jeaneg Publié dans #Humeurs, #Nouvelles et petites histoires

Photo: Nick DeWolf - April 1958 Wakefield, Massachusetts - barbershop

Photo: Nick DeWolf - April 1958 Wakefield, Massachusetts - barbershop

C'était un instant mémorable... Celui où "le bonhomme" se saisissait de sa tondeuse et commençait à ratiboiser impitoyablement la nuque et le tour des oreilles de son frère. Elle ne perdait pas une miette de ce spectacle fascinant, comme un entomologiste observe la naissance d'un papillon s'extrayant de sa chrysalide. Elle trouvait son frère incroyablement beau lorsqu'il sortait à son tour du fauteuil du coiffeur et elle rêvait, elle le petit "tomboy" de la famille, d'être à sa place. Mais à chaque tentative, son père, gentiment, la ramenait à la réalité, cette réalité de petite fille... "Ahlala si on fait ça, ta mère va m'écharper!" disait-il en riant, un regard complice avec le coiffeur.

Elle avait le sentiment que cette coupe de cheveux serait, enfin, la reconnaissance de sa vraie personnalité. D'accord elle était fille, enfin, physiologiquement, sans aucun doute possible, mais les histoires des filles l'ennuyaient, les vêtements des filles l'excédaient, les jeux des filles la barbaient. Elle voulait qu'on ne l'importunât plus avec ça, une fois pour toute.

Et bien sûr, il n'était pas question d'accepter le moyen terme! Elle ne voulait pas une de ces coupes "de filles", mi-figue, mi-raisin, où le coiffeur lui-même insiste pour ne pas couper davantage, pour que ce ne soit "pas trop masculin". Non! Non et non! Ce qu'elle voulait c'était qu'on la traite à égalité avec son frère, qu'elle ait droit elle aussi à éclore, à se transformer pour être celle qu'elle était depuis toujours, camouflée derrière cette image de petite fille en queue de cheval. C'était son droit, elle ne comprenait pas qu'on le lui refusât et trouvait les raisons invoquées les plus fumeuses de la Terre. En gros c'était: "Parce que c'est comme ça!"... mais quand donc cessera-t-on de prendre les enfants pour des demeurés?

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