Quartier Libre: Marie
Marie est arrivée dans mon esprit après qu'Oriane ( Le Shape c'est Oriane ) m'en ait parlé, avec passion. Premier contact, premier échange... le courant passe. Fort. Alors naturellement, je me suis dit qu'elle seule pourrait vraiment parler d'elle, légitimement.
"Quand tu m’as dit que j’avais quartier-libre pour parler de moi, je me suis vraiment demandé comment j’allais orienter ça pour que ça ait du sens. Puis quand tu as ajouté que ce serait bien que je parle de mes cheveux, je suis restée plus perplexe encore. Mes cheveux sont juste des cheveux courts, même pas teints ni décolorés, pas vraiment rock’n’roll. Mais ça m’a trotté dans la tête toute la journée qui a suivi. Là où je n’avais vu jusque là dans ma coupe de cheveux que le fait que je les aime courts, j’ai réalisé que cette particularité avait eu son importance dans ma vie.
J’ai réalisé l’impact que pouvait avoir une coupe de cheveux pour la 1ere fois lorsque j’avais 9 ans. Ma mère a fait un jour l’erreur de me laisser aller toute seule chez le coiffeur parce qu’elle ne pouvait pas m’y emmener. J’ai insisté auprès du coiffeur et suis rentrée les cheveux coupés très court. J’étais vraiment ravie, cette coupe me correspondait parfaitement, et je suis rentrée très fière de moi! Ma mère s’est décomposée en me voyant, et je ne comprenais pas où était le problème. Ma prise de conscience s’est faite quelques jours plus tard. Je suis allée à mon cours d’arts martiaux, et personne ne m’a reconnue, vraiment personne, même ceux avec qui je pratiquais depuis plusieurs années. Puis en cours d’anglais, même situation. Je ne comprenais pas du tout, j’étais exactement la même, en mieux! A partir de ce moment-là j’ai senti que mon apparence pouvait me poser problème. Mais j’ai gardé les cheveux courts, parce qu’ils me correspondaient et que je ne me voyais pas autrement.
Arrivée en 6ème, au collège les gens me regardaient et se demandaient si j’étais une fille ou un garçon, et je me demandais pourquoi ils se posaient cette question, moi j’étais juste une fille aux cheveux courts! J’étais sportive et grande, j’avais les cheveux courts mais je ne voulais pas être un garçon, les gens se posaient des questions que je ne me posais pas.
Partout où j’allais c’était la même chose, la vendeuse de chaussures disant à ma mère « il a les pieds fins », des « jeune homme » à tout va, une copine de classe me disant que sa soeur trouvait que j’étais le mec le plus mignon de la classe. C’était très perturbant. Les gens ne voyaient pas. Je n’entrais pas dans les cases, j’avais du mal à être moi-même quand les gens me prenaient pour quelqu’un d’autre. J’en suis venue à jouer le jeu des autres pour être tranquille. Les gens avaient l’air de penser que j’étais un garçon, si je voulais être acceptée et avoir la paix il fallait que j’en sois un. Je me suis mise à jouer au foot avec des garçons en disant que je m’appelais Nicolas, et je passais les meilleures journées de la terre. Ca a créé au début de mon adolescence de vrais troubles du genre en moi. L’impression que pour être acceptée dans ce monde il fallait que j’accepte d’être un garçon, si c’était ce que les gens attendaient de moi. Mais ça me rendait très malheureuse.
Puis, autour de 14 ou 15 ans j’ai laissé mes cheveux repousser parce que j’en pouvais plus et je suis redevenue « une fille ». Toujours sportive et grande, pas féminine, mais on ne me prenait plus pour un garçon.
Je suis restée quelques années comme ça, avec des queues de cheval tirées, et l’envie de ne pas me faire remarquer.
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A 18 ans, j’ai commencé à trainer dans le milieu gay à Paris, et immédiatement recoupé mes cheveux. J’avais découvert un monde qui acceptait mon apparence, un soulagement immense en moi. A cette même époque j’ai quitté la fac pour travailler dans des bars gay. Puisque je ne trouvais pas ma place du tout dans le circuit normal, il fallait que je vive dans un circuit parallèle. Le monde de la nuit était tout trouvé. La nuit, personne ne regardait les autres, et il y avait toujours plus bizarre que soi-même. J’ai vécu plus de 10 ans dans ce monde-là. Mes cheveux courts n’étaient plus un problème. Je suis passée par toutes les phases, de la coupe Tony&Guy, au mulet (oui!), aux cheveux quasiment rasés, aux décolorations, à la coupe homemade pendant des années.
Puis j’ai quitté le monde de la nuit et suis partie habiter seule à la campagne, et j'ai monté mon entreprise de fabrication artisanale de longboards en bois. Mes cheveux sont restés courts mais, vivant seule et loin de tout, je ne cherchais plus à leur donner d’effets. J’étais beaucoup dehors, ils blondissaient l’été et se ternissaient l’hiver. Ca n’avait plus beaucoup d’importance. Avec le travail du bois, mes cheveux étaient sous des casquettes, des bonnets, ou recouverts de poussière. Quand on fait un travail manuel et salissant on trouve une bonne excuse aux cheveux courts et à leur manque d’entretien.
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En Californie, où je vis maintenant, les cheveux courts ne sont vraiment pas un problème, on y voit toutes les excentricités. Les femmes peuvent avoir les cheveux bleus et bosser avec des enfants ou dans une banque, il y a quelque chose de très décomplexant et libérateur. Je me fais coiffer chez le barbier, ils ont l’habitude de couper les cheveux des filles. Quelle que soit mon apparence, que j’aie les cheveux très courts ou pas, personne ne se demande si je suis une fille ou un garçons, les gens me complimentent sur mes cheveux et j’aime bien ça.
Marie a créé sa propre marque de longboards que vous pouvez retrouver
sur FB State of Grace Workshop
et sur le Net http://www.stateofgraceworkshop.com